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L'Eglise et l'argent

Il n'est jamais facile de parler d'argent en Eglise, et ce pour, au moins trois raisons.

La première est la plus évidente : les propos de Jésus sur l'argent sont sans aucune ambiguïté :  Jésus dénonce Mamon. Mais si Jésus appelle l'argent Mamon, c'est que ce n'est pas l'argent en tant qu'instrument qu'il dénonce, mais bien plutôt l'idole, c'est à dire le maître que l'argent a vite fait de devenir dans nos vies. Il ne me paraît pas utile de développer énormément ce point, chacun peut mesurer à quel point nos sociétés et nous mêmes obéissont à ce maître pourtant forgé de toute pièce par l'homme (c'est la définition biblique de l'idole)...

La seconde nous vient de la grâce : une fois qu'on a affirmé que Dieu nous aime gratuitement, c'est un peu délicat de faire passer la sébile. Le risque de la confusion et, par là même  du contre témoignage est important... Et c'est vrai qu'ici le mot d'offrande que nous utilisons beaucoup est risqué car l'offrande c'est le langage du sacrifice, or l'argent que nous donnons ne nous sert pas à acheter Dieu, il ne nous est même pas demandé en réponse à l'amour que Dieu nous donne. Je n'ai jamais vu un pasteur et un trésorier brûler l'argent de la collecte en sacrifce de bonne odeur pour l'Eternel... Nous ne vendons pas des indulgences, et nos membres participants n'ont pas plus de valeurs que nos membres non participants. Bref, la grâce reste gratuite et tant pis si du coup elle nous rapporte peu...

La dernière raison est sans doute moins avouable, nous avons un peu peur d'être assimilés aux sectes qui s'enrichissent de leurs adeptes. Nous craignons le sourire goguenard de ceux qui voient dans nos collecte la preuve que nous abusons de la crédulité du public dans notre propre intérêt (les même qui seraient scandalisé que les églises reçoivent de l'argent de l'état). Et il est vrai que les Eglises sont loin d'être innocentes des abus qu'on leur reproche aujourd'hui.

Et pourtant, notre Eglise a besoin d'argent, parce qu'elle est institutionelle d'abord, qu'elle doit payer ses ministres et ses frais de fonctionnement... Elle a besoin d'argent pour lancer des projets. L'Eglise réformée de France a besoin d'argent et ne vit que des dons.

Mais le don n'est pas seulement un geste utilitaire. Cela signifierait que le riche qui peut donner plus à plus d'importance que le pauvre, ce qui serait en tout point contraire à l'évangile. Celui qui donne n'est pas plus aimé de Dieu que celui qui ne donne pas. Il n'est pas un meilleur chrétien, non plus. En revanche, le don (et pas seulement le don d'argent) peut être vécu comme une expression de notre foi : donner c'est se montrer libre vis à vis de notre soif d'avoir. Donner c'est manifester de la confiance. Donner c'est aussi se mettre au service des autres (bien sûr que le don ne concerne pas que l'Eglise). Donner, c'est donc dire quelque chose de ce que nous croyons, et plus que dire, c'est traduire notre foi en acte... Et parce qu'il est un geste de foi, le don se traduit toujours en valeur relative et non pas en valeur absolue (Marc XII, 41 à 44)

Il est  important aujourd'hui que nous retrouvions rapidement un langage clair sur le don car la culture du don s'est largement errodée dans notre Eglise réformée. Hier, donner à l'Eglise allait de soi dans les familles réformées mais aujourd'hui nos contemporains sont sollicités de toute part (et souvent par des oeuvres plus utiles que la notre), et nos nouveaux membres ne savent pas forcément que cette Eglise qui les accueille gratuitement, ne doit cette gratuité (qu'elle entend maintenir) qu'à la générosité de ses donateurs...

L'argent ne doit pas devenir notre préoccupation première, une idole c'est un fait. Mais, il ne doit pas non plus être un interdit : un tabou n'est jamais qu'une nouvelle forme d'idole. Le don ne peut pas non plus devenir une loi. C'est gratuitement que nous continuerons d'annoncer l'Evangile. Mais celà ne nous empêche pas d'être lucide : sans argent notre institution disparaîtra. L'Eglise continuera d'exister sous d'autres formes, l'Evangile sera toujours proclamé mais sans dons, il n'y aura plus ni pasteur, ni locaux, ni organisation, plus d'E.R.F....

Je crois que c'est un discours qui peut être entendu et compris. Je crois qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une maîtrise en sciences économiques pour comprendre que l'entretien des locaux, le salaire des ministres et même le fonctionnement le plus simple ont un coût. Pas plus qu'il n'est nécessaire d'être docteur en théologie pour comprendre que le simple geste du don manifeste de façon active quelque chose de notre confiance en Dieu et en ceux qui sont nos frères et  nos soeurs.

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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