24 Octobre 2005
Vieux réflexe marcionite nous avons tendance à gommer les aspects les plus violents des psaumes. Il est vrai que des prières telles que Brise-leur les dents dans la bouche, ps 58, 7 ou Heureux qui saisira tes enfants et les écrasera contre le roc !, (ps 137, 9)ont de quoi nous mettre mal à l’aise et semblent s’opposer profondément à l’enseignement de Jésus. A-t-on le droit de demander à Dieu de faire souffrir voire mourir nos ennemis ? Nos prières peuvent-elles exprimer la colère, la rancune, la haine ?
Forcément, si nous comprenons nos prières comme des formules magiques que Dieu n’aurait d’autre choix qu’exaucer, demander Poursuis les par ta tempête, épouvante-les par ton ouragan (ps 83, 16)serait l’équivalent de braquer un revolver chargé sur la tempe de quelqu’un. Difficilement compatible avec le massage d’amour du prochain (oui, je sais, la compatibilité avec le message d’amour du prochain n’a pas toujours été le soucis numéro 1 des chrétiens)
Mais la prière n’est pas une formule magique. Prier c’est avant tout parler à Dieu lui exprimer notre louange, notre demande, notre repentance, notre souffrance et même notre colère.
Prier pour maudire, c’est dire, crier à Dieu notre colère, notre blessure profonde.
Eh oui, la pulsion de meurtre existe en nous, l’envie de nuire voire de détruire celui qui nous a blessé est bien présente. Nous pensons souvent que cette pulsion, il nous faut la cacher, l’étouffer. Et, au bout du compte, la plupart du temps elle nous ronge tellement que nous ne parvenons pas à la contenir, lorsque quelqu’un nous a blessé, soit nous cherchons à prendre notre revanche, soit nous cultivons notre rancœur, soit nous allons en prendre d’autres à témoins, nous allons chercher un soutien chez ceux qui nous entourent quitte à les forcer à prendre part à un conflit. De tout cela, il ne ressort que violence et culpabilisation.
Le psaume de violence nous ouvre une autre voie. Puisque le psalmiste lui-même peut déverser sa colère dans sa prière, pourquoi n’en ferions-nous pas autant. Puisque Dieu connaît le fond de notre cœur, pourquoi chercherions nous à lui cacher nos aspects les plus sombres. Au contraire, sans peur aucune, nous pouvons lui confier nos colères, nos haines. « A quoi bon les dire à quelqu’un qui les sait déjà ? » pourrions-nous nous demander… Eh bien exprimer, c’est faire sortir. La prière nous offre un lieu ou nous pouvons faire sortir notre colère, notre violence sans qu’elles blessent personne. Pouvoir dire notre colère dans toute sa spontanéité, dans toute sa brutalité, dans toute sa rage, c’est s’en libérer et c’est le premier pas vers un pardon possible.
En effet, lorsque nous disons notre colère à quelqu’un d’autre, souvent ce lui-ci attise cette colère, soit en essayant maladroitement de nous en détourner, soit au contraire en nous appuyant et en nous donnant raison. En revanche, lorsque c’est à Dieu que je dis ma colère ma rancœur, c’est tout autre chose qui se passe, je peux littéralement « vider mon sac »…
Etrange, non ?
Le psaume de malédiction nous met mal à l’aise, pourtant il nous rappelle que Dieu nous reçoit tel que nous sommes, sans nous condamner.
Nous pensons que notre foi chrétienne nous interdit le psaume de malédiction et celui-ci s’avère finalement être un premier pas sur le chemin du pardon…
Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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