2 Décembre 2006
Il est descendu aux enfers. J’aime beaucoup cette affirmation du Credo. Affirmation non biblique du symbole des apôtres (j’en profite pour glisser ici un court extrait de la déclaration de foi de l’Église Réformée de France en guise de petit clin d’œil amical à Matthieu : une preuve de plus que Sola Scriptura n’est pas à comprendre comme « la Bible et rien que la Bible… » : Dans la communion de l’Église universelle, [l’Église Réformée de France] affirme la perpétuité de la foi chrétienne, à travers ses expressions successives, dans le Symbole des Apôtres…)
Il est descendu aux enfers. Il y a au moins trois manières de comprendre cette affirmation et elles me paraissent toutes les trois porteuses de l’Évangile.
Il est descendu aux enfers, cela signifie d’abord que la mort de Jésus est réelle et n’est pas un simulacre. En Jésus, Dieu s’est fait homme complètement et la mort de Jésus est donc bien mort totale et complète.
Il est descendu aux enfers, je crois qu’il nous faut d’abord entendre ici schéol et non pas enfer au sens communément accepter aujourd’hui. Pour les hébreux, le schéol est cet espèce de « non-lieu » où vont les morts (tous les morts, les bons comme les méchants, les juifs comme les païens, les justes et les injustes). Je dis « non-lieu » car je ne pense pas qu’il faille établir le Schéol comme une sorte d’au-delà de la cosmogonie hébraïque. Entièrement dépouillé, jamais décrit, éloigné de toute considération morale, le Schéol me paraît plutôt être une tentative de dire le néant (concept difficile pour l’esprit humain) qu’un au-delà. En tout cas, dans l’Ancien Testament, le Schéol est le lieu où Dieu n’est pas. Car, dans la mort, on n’évoque pas ton nom ; dans le séjour des morts, qui te célébrera ?(Psaume VI, 5) Dire que Jésus est descendu aux enfers, c’est donc affirmer qu’il n’y a désormais plus de lieu ou Dieu n’est pas, que Dieu a définitivement anéanti tout ce qui nous séparait de Lui.
Mais bien sûr quand, sous l’influence de différentes cultures, s’est dessinée la géographie chrétienne de l’au-delà avec son enfer, son paradis et son purgatoire, « il est descendu aux enfers a été compris différemment. Je n’aime pas beaucoup cette géographie qui me semble devoir bien plus à la religiosité et à la logique humaine de la retribution qu’à la révélation biblique de la grâce. Cependant, je reconnais que dire que « Jésus est descendu aux Enfers » tout en voyant l’Enfer comme lieu du châtiment me paraît également conforme au message évangélique. Tiens, je vous invite à retourner voir la fresque de Gaudenzio Ferrari et à observer la représentation de Jésus aux enfers. Bien sûr l'enfer représenté par le peintre n'a plus grand chose à voir avec le dépouillement du Schéol mais le message théologique me semble intéressant. On y voit un Jésus en gloire, l’aura qui l’entoure semble le protéger aussi bien qu’attaquer les démons qui l’entourent (j’aime beaucoup l’air de consternation du démon rouge en haut à droite) Sous les pieds de Jésus, la porte de l’enfer ? la barrière qui supprime toute espoir de sortie est abattue. Et surtout Jésus se tourne vers les damnés dans un geste de compassion tandis que ceux ci se présentent à lui en suppliants. Représenter Jésus descendant aux enfers pour secourir ceux qui y sont enfermés et, pour reprendre un mot de Berdiaeff (il me semble), pour vider les enfers, me paraît une jolie illustration de « le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Luc XIX, 10)
Il est descendu aux enfers fait indiscutablement partie de ma confession de foi.
Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
Voir le profil de Eric George sur le portail Overblog