11 Mars 2007
Prédication du 11 mars 2007
Exode III, 1 à 15
Romains VIII
Luc XIII, 1 à 9
Persécution en Galilée, accident mortel à Siloë, deux faits divers qui viennent nous rappeler que si les temps ont passé, le monde des évangiles est bien le nôtre, avec son lot de violence quotidienne et de souffrance banale. Et, face à cette souffrance, une question se pose, toujours la même, « pourquoi ? »
En effet, il est vital de trouver des explications, des causes à ce genre de catastrophe. Il est bien trop inquiétant d’accepter qu’elles puissent se produire « comme ça », sans raison. Alors bien sûr, à des époques très croyantes, l’explication est toute trouvée : « les victimes ont offensé le(s) dieu(x) ». Cette culpabilisation des victime est d’ailleurs doublement rassurante puisque non seulement elle offre une explication mais qu’en plus, « puisque c’est de leur faute que ça leur est arrivé, moi qui vaut bien mieux, je ne risque rien ». Mais n’imaginons pas que ce raisonnement n’a lieu que dans des société superstitieuses, voyant la main de(s) dieu(x) partout. Notre société moderne, sécularisée a conservé le même réflexe : nous continuons à culpabiliser les victimes, à chercher dans leur comportement la cause de ce qui leur est arrivé : « il fumait trop », « il exhibait trop sa richesse », « elle était trop provocante », « ils ont été imprudents »… Et voilà, en une phrase, la victime rendu e coupable de sa souffrance. Pourquoi ? Parce que cela nous rassure. Parce que si c’est sa faute, je ne risque rien ? La souffrance absurde nous terrifie parce qu’elle pourrait nous arriver à nous…
Pensez vous, parce qu’ils ont soufferts, qu’il étaient plus pêcheurs que tous les galiléen ? Non…
En une phrase Jésus réfute la culpabilisation des victimes. Non il n’ont pas mérité plus que d’autres le malheur qui s’est abattu sur eux. Non, ils ne sont pas victimes d’une juste vengeance de Dieu. Non, vous n’êtes pas à l’abri… En effet, non seulement Jésus dénonce l’explication habituelle, mais il n’en fournit pas d’autre. La souffrance, le malheur restent absurdes, vides de toute signification…Rien ne distingue les victimes de Pilate des autres galiléens. Rien ne distingue les sinistré de Siloë des autres habitants de Jérusalem. Ou plutôt une seule chose : ceux-là sont morts alors que les autres sont vivants… Pourquoi ? C’est une question qui n’a pas de réponse…
Jésus ne vient pas ici expliquer l’existence du mal, il renvoie ses auditeur, il nous renvoie à notre propre vie. Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez de même. Il est bien sûr tentant d’y lire une menace. Après tout, on nous a habitué à un Dieu menaçant. Et on s’attend effectivement à ce que Jésus nous dise « Que cela vous serve de leçon. Convertissez-vous ou vous mourrez aussi…
Mais je ne crois pas que ce soit ici le propos de Jésus. Tout d’abord parce que cette interprétation viendrait contredire sa réponse : ils n’étaient pas plus pécheurs que les autres, ils ne méritaient pas plus de mourir… On pourrait bien sur rétorquer qu’il est possible de voir ici l’élection, le libre choix de Dieu : tous méritent autant de mourir mais Dieu a choisi de frapper ceux-ci… C’est oublier que dans la Bible, l’élection, le libre choix de Dieu est toujours associée à une promesse de vie et non pas de mort…
Ensuite, les premières communautés chrétiennes le savent bien, la conversion n’a jamais été une garantie contre la persécution ou contre les accidents. Si la foi chrétienne avait été considérée comme un talisman qui prémunit contre tout mal, dès les premiers martyrs, que dis-je, dès la mort de Jésus, les croyants seraient allé chercher ailleurs une protection plus efficace.
Au sujet de la protection, je voudrai ouvrir une parenthèse, j’ai rencontré dans ma vie deux personnes qui disaient avoir été protégées par Dieu et dont le témoignage m’a profondément marqué. La première a survécu au génocide khmère, le second a survécu après s’être jeté d’une falaise. Il convient d’être très prudent avec ces témoignages. En effet, nous sommes ici dans le domaine de la relation entre Dieu et l’individu. De ces deux expériences, de ces deux témoignages on ne peut tirer aucune généralisation : dire que Dieu a sauvé une personne de la mort ne signifie absolument pas qu’Il a laissé les autres mourir. L’expérience de la foi n’a rien à voir avec une expérience scientifique dont on conclurait des lois générales. Si quelqu’un dit, Dieu m’a protégé de la mort, il exprime le sens que prend pour lui sa survie et non pas une protection magique… De toute façon dans les deux cas, la foi est venue après la survie. On pourrait dire qu’ils ont cru parce qu’ils ont survécu et non qu’ils on survécu parce qu’ils ont cru…
La parabole du figuier stérile n’est pas non plus la parabole menaçante qu’on en fait souvent. Si le but de Jésus était de menacer, le figuier resté stérile aurait fini au feu l’année suivante… Les paraboles à la fin dure ne sont pas rares. Mais ici, la fin reste ouverte, encore une année, encore un « c’est bon pour cette fois ci ». Ce n’est pas une parabole de menace, c’est une affirmation de la patience de Dieu pour l’homme et de l’espérance qu’Il place en nous.
Bref, il faut comprendre autrement ce « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez de même ».Tout d’abord, un petit rappel : metanoew, que l’on traduit par se convertir ou se repentir, signifie à l’origine changer d’avis.
Et puis, deux mots viennent nous éclairer : pareillement (omoiws) et semblablement (apoleisqe)… Jésus ne dit pas « Vous périrez aussi » (kai umin apoleisqe) Mais, vous mourrez de la même manière. Bien sûr, cela ne signifie pas « vous recevrez une tour sur le coin de la figure », ni « vous serez exécutés par un procurateur romain sanguinaire ». Cela peut se comprendre comme « vous mourrez dans le même état qu’eux.
Si vous ne vous convertissez pas, vous mourrez dans le même vide de sens. Vous mourrez sans savoir, sans comprendre ce qui fait vraiment la valeur de votre vie, votre propre valeur. La conversion n’est pas un talisman qui protège de la mort. Elle ne se limite pas non plus à la promesse d’une vie meilleure après la mort. Elle est un changement radical de perspectives. Converti, je ne met plus ma valeur dans les possessions dont la mort me prive. Je ne place plus ma valeur dans mes réalisations que la mort interrompt ni dans ma potentialité que la mort fauche. Converti, je prends conscience que toute ma valeur vient de l’amour de Dieu pour moi, un amour dont rien ne peut me séparer. Converti, il se peut que je meure de façon aussi absurde, aussi cruelle que les victimes de Siloë, que les galiléens exécutés par Pilate. Et pourtant, je ne mourrai pas comme eux. Je mourrai riche de me savoir aimé, conscient que jusque dans ma mort, Dieu est avec moi. Il n’est pas besoin de parler de la résurrection pour comprendre la vie qui nous est offerte dans la conversion, il suffit de voir à quel point ce changement de perspectives illumine tout : tu es aimé de Dieu, gratuitement. Et lorsque tu reçois pleinement cette certitude, tout est transformé, jusqu ‘à ta mort.
Frères et sœurs, il n’y a ni menace ni promesse de protection magique dans ces paroles de Jésus. Juste le refus de charger encore les victimes, juste l’affirmation de la patience et de l’amour de Dieu et l’invitation à vivre au plus vite la transformation opérée par cet amour de Dieu…
Si vous ne vous convertissez pas, vous restez captif des illusions et de l’absurdité. Ne restez pas comme le figuier stérile, voué à rien d’autre que la disparition. Prenez conscience que vous êtes le figuier pour lequel le vigneron travaille. Prenez conscience de la valeur que vous avez pour et par Dieu.
Amen
Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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