26 Octobre 2018
A partir de l'interprétation de "l'endurcissement d'Israël" par l'apôtre Paul, une méditation sur le scandale des divisions, le temps donné et la bienveillance et la fidélité de Dieu comme axiome.
Prédication du 25 octobre 2018
Office chez les diaconnesses
Romains 11, 25-56
Après une altercation avec les scribes et les pharisiens, Jésus quitte Israël et sur le territoire de Tyr, une étrangère vient le trouver pour qu’il guérisse sa fille. Quand Jésus affirme qu’on ne peut retirer le pain des enfants pour le donner aux chiens, la femme objecte que les chiens peuvent manger ce qui est tombé de la table, ce dont les enfants n’ont pas voulu… On connaît la suite de l’histoire, Jésus célèbre effectivement la réponse de cette cananéenne.
Il me semble que c’est bien cette idée que l’on retrouve ici dans Paul, l’endurcissement des juifs profitent au païens et Paul exhorte ici les petits chiens (les non-juifs) à ne pas reprocher aux enfants (les juifs) d’avoir laissé tomber des miettes de la table.
Est-ce que cette explication du refus des juifs de reconnaître le Messie est la bonne ? Est-ce que Dieu attend que les nations se convertissent avant qu’Israël se convertisse pour que le monde soit sauvé ? A dire vrai, je n’en sais rien… Non pas que je récuse l’analyse de Paul mais tout simplement, il me semble toujours un peu dangereux d’analyser le projet de Dieu à l’aune de notre intelligence humaine. Je ne sais pas si Paul a raison mais je trouve son interprétation riche en enseignement : Paul nous redit le scandale de la division, il pose la fidélité et la bonté de Dieu comme un axiome, une base pour tout raisonnement, pour toute interprétation, il nous invite à voir le temps qui passe comme un temps qui nous est donné.
Le scandale de la division
D’abord ce besoin de comprendre ce que Paul appelle l’endurcissement d’Israël dit sa profonde douleur devant la division qu’il voit s’opérer. Et cela nous interroge : comment considérons-nous nos divisions, au sein de l’Eglise, avec les juifs, et même avec les musulmans ? Est-ce que ces divisions sont seulement des constats certes regrettables ou sont-elles un véritable tourment, une blessure dans notre foi ? Je crois savoir qu’ici, vous portez ces divisions comme une blessure, comme un sujet de prière
J’entends souvent dire que la foi est difficile face aux catastrophes et aux guerres, face à la souffrance de l’innocent et toute une branche de la théologie, la théodicée s’est consacrée à l’explication du mal. Mais la division des enfants d’Abraham est rarement évoquée comme raison de ne pas croire. Or Paul nous rappelle ici que cette division n’est pas un malheureux accident de parcours mais un véritable scandale.
Une explication fondée sur la fidélité et la bienveillance
Et face au scandale, Paul, comme beaucoup d’entre nous, tente de rationaliser, d’expliquer. En revanche, là où il diffère de beaucoup d’entre nous, c’est que son explication ne va se fonder que sur une espérance, la bonté et la fidélité de Dieu.
Paul qui généralement n’est pas très patient avec ses adversaires théologiques, Paul qui a souffert de persécution, de coups, voire de lapidation dans les synagogues, Paul refuse de considérer « l’endurcissement des juifs » (je reprends ses mots) comme autre chose qu’un signe de la bienveillance de Dieu. Paul refuse de priver les juifs de la fidélité de Dieu, Paul refuse de laisser les nations, les païens qui se convertissent comme supérieurs aux juifs.
Comme j’aimerais que les chrétiens aient toujours eu la même humilité, la même confiance en la fidélité de Dieu, comme j’aimerais en particulier que Luther n’aie pas dans sa déception pris le chemin que Paul, dans sa souffrance, avait su ne pas prendre.
Et de façon plus générale, comme j’aimerai que cette affirmation, cet axiome de la fidélité et de la bonté de Dieu, soit à la base de toutes nos interprétations des crises que nous traversons. Oui, comme j’aimerais que plutôt que d’expliquer le monde par la bêtise ou la méchanceté de ceux qui ne pensent pas comme nous, nous cherchions à l’expliquer par la fidélité et la bonté de Dieu.
Un temps pour nous
La conséquence de cet axiome de la fidélité et de la bonté de Dieu, c’est que le temps qui nous sépare de l’avènement de son Royaume est un temps pour les humains.
Dans notre impatience pour le Royaume promis, nous considérons parfois le délai comme une mise à l’épreuve. Plus le temps passe et plus il est difficile de croire, et ça fera bientôt deux mille ans… Mais ici, Paul nous pousse à retourner notre regard « il y a endurcissement partiel d’Israël, jusqu’à ce que la totalité des païens soit sauvé ». Le délai, ce n’est pas le temps que Dieu prend à faire advenir son Règne, le délai c’est le temps qu’il nous donne, qu’il donne à l’humanité.
Mes sœurs, mes frères, que nous regardions le temps comme un temps donné, comme un temps pour nous, que les divisions nous soient un scandale et une blessure et surtout, surtout que la fidélité et la bonté de Dieu soit l’axiome de tous nos raisonnements, de toutes nos lectures du monde
Amen
Photo by Ben Ostrower on Unsplash
Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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