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Noël, ça sent le sapin ?

Noël, ça sent le sapin ?

Genèse II, 4 à 17 et III, 22 à 24

Apocalypse XXII, 1 à 5

Eric

Dis-moi Guilhem as-tu installé ton sapin ?

-Oh, moi, je ne suis pas sûr d'avoir la place pour en installer un !

Nous, nous avons installé le nôtre. Mais tu sais que j'ai toujours un peu souri à l'idée que le sapin était protestant et la crèche catholique. Tout ça à cause de la réticence des protestants sur l'adoration des images et surtout à cause de la géopolitique : les pays nordiques d'où vient le sapin sont devenus terres protestantes.
Mais après tout la crèche est d'abord un souci catéchétique alors que le sapin était une tradition païenne. Si Ygdrasil, l'arbre axe du monde était un frêne, c'était un frêne toujours vert et il n'a rien de surprenant à ce que le sapin, arbre toujours vert même au cœur de l'hiver soit devenu un symbole d'éternité et d'espérance

Guilhem

Ce ne serait pas la première fois que les chrétiens ont arrangé à leur sauce d'anciennes traditions, juives païennes.

Augustin disait que c'est ce que firent les hébreux en sortant d'Egypte : ils en ont emporté tout l'or, tout ce qui avait de la valeur pour eux dans cette culture. Après, est-ce qu'on est d'accord ou non... Quoiqu'il en soit, on peut comprendre que des arbres pleins de sève qui ne perdent jamais leurs aiguilles aient pu symboliser la foi aux yeux des premiers chrétiens.

Dans le cas de Noel, l'histoire se répète : fête païenne, fête chrétienne, fête... à nouveau païenne? Et que les chrétiens cherchent à se réapproprier?

Même les boules qu'on y attache ont une origine chargée de sens : il s'agissait à l'origine de figurer les fruits que donne la foi. En fait, on utilisait même des pommes : en souvenir du fruit défendu de l'arbre du jardin d'Eden. Etrange de voir comment l'arbre qui donne la vie a vite été identifié à l'arbre de la connaissance dont il est interdit de manger les fruits...

Eric

C'est vrai que dès le début de la Bible, dès la Genèse, il est bien question d'un arbre. Ou plutôt de deux arbres: celui de la connaissance du bien et du mal et celui de la vie. Du coup, puisque tu nous parles des boules de Noël, on pourrait s'amuser à se demander quel fruit défendu elles symbolisent. Le fruit de la connaissance du bien et du mal qui était interdit à Adam et Eve, ou bien le fruit qui nous est aujourd'hui interdit, le fruit qui donne la vie éternelle.
En effet, c'est bien pour leur interdire de manger en plus de ce fruit là que Dieu les chasse du jardin. Peut-être même pour les protéger d'une vie éternelle placée sous le désir de puissance...

Alors que représentent pour nous les boules de Noël ? Ce n'est pas une question idiote...
Noël est parfois pour nous une manière de nous retrouver dans un jardin clos, protégé du monde extérieur, pleinement maîtres de nos vies, de nos plaisirs. Bref, un petit moment où nous nous payons le luxe d'être comme Dieu. Dans ce cas-là, les boules sont ce fruit de la connaissance du bien et du mal...
Mais les boules pourraient aussi représenter ce fruit de la vie éternelle, un fruit auquel nous aspirons mais que nous ne pouvons pas atteindre par nous-même. Noël pourrait alors être pour nous non plus l'enfermement dans un confort illusoire ou dans un passé que l'on ne veut pas laisser filer, mais l'expression de notre attente, de notre espérance... On sait que les récits de la création du monde ont été composés alors que les hébreux étaient en exil à Babylone. Du coup, leur question était peut-être la nôtre : cet arbre qui se dresse au loin, gardé par une épée flamboyante, nous est-il définitivement interdit, ou pouvons-nous espérer goûter un jour à ce fruit de la vie ?

Guilhem

Que ce soit les Juifs exilés à Babylone ou les premiers chrétiens au moment des persécutions, tous s'en sont remis à cette image de l'Arbre de Vie, en imaginant, en reprenant la tradition rabbinique, que quelqu'un viendrait retirer l'épée qui en interdit l'accès.

Ainsi des gens déportés loin de chez eux, coupés de leurs familles, ou jetés dans des cachots, sans plus aucune nouvelles de leurs proches, torturés souvent, ont cru que les épreuves qu'ils traversaient, aussi horribles soient-elles, auraient une fin, et qu'ils se retrouveraient tous à partager les fruits -les dattes?- d'un même arbre.

Ces fruits sont peut-être cet "au-delà idéal du Nous", cette "histoire commune à partager, à reconstruire, à inventer sans cesse" dont parle Jorge Semprun, qui revient sur les tortures qu'il a subit...

On retrouve là le thème chrétien d'un monde où chaque être, chaque chose est à sa place : les bons comme les méchants, mais les bons, les justes, les victimes, au centre, avec ce Dieu qui a lui-même connu l'humiliation, la souffrance et la mort.

Ainsi l'arbre de vie, le "bois de vie" dont parle le texte grec, n'est autre que la croix de Jésus de Nazareth. Elle nous fait prendre conscience que lorsque nous souffrons (le deuil, la folie, la maladie), Dieu ne nous oublie pas, au contraitre, mais fait tout ce qu'il peut pour nous venir en aide.

Le Juifs en Exil au désert rêvaient d'un arbre toujours vert dans jardin, les premiers chrétiens enfermés croyaient voir un arbre s'élever au beau milieu de la ville, au cœur du forum, là où se tenaient les puissants, les marchands, les religieux qui les avaient condamnés.

Ce fruit censé guérir les Nations, c'est peut-être la détermination dans la foi et le pacifisme des persécutés... autrement dit cette conviction que la mort est quelque chose qui se franchit, se traverse, se dépasse.

Cela peut paraître étrange, mais la première chose à laquelle nous devrions penser en voyant un sapin de Noël tout décoré, c'est moins à Noël qu'à Pâques... Le 25 décembre, souhaitons-nous plutôt joyeuse Pâques!

Eric

En tout cas, plaçons nos sapins, nos crèches, dans l’ombre, ou plutôt, à la lumière de la croix…

En nous signalant que cet arbre de vie de la Jérusalem céleste n’est autre que la croix (littéralement, le bois de vie c’est-à-dire le même mot que lorsque l’Apocalypse affirme Jésus a été pendu au bois), tu me fais penser que les anciens ont vu dans la forme même de la croix, cette verticalité et cette horizontalité, un enseignement (que tu dois d’ailleurs connaître mieux que moi).

Eh bien, au risque de le faire interdire à son tour dans les mairies, je me dis que finalement, le sapin lui aussi a sa propre catéchèse géométrique. Le sapin est une flèche, c’est un panneau indicateur et c’est normal que nous le coiffions d’une étoile. Et, c’est une flèche pointée vers le ciel, une flèche qui nous indique cet au-delà, cet idéal que nous cherchons… Regarder plus haut que la mort et la violence, plus haut que nos propres pulsions de mort et de violence.

Mais c’est aussi un cône, il descend vers nous en s’élargissant, en répandant ces fruits et ces guirlandes de lumière. Et l’on peut penser à cet arbre, ce bois de l’apocalypse qui porte fruit tout au long des douze mois de l’année. La conviction dont tu parlais, cette conviction que la mort, les morts, se franchissent, se dépassent, nous ne la puisons pas en nous même, elle s’alimente, elle est nourrie, nourrie par la Parole de Dieu, nourrie par les témoins que Dieu met sur notre route…

Alors, frères et sœurs, avec ou sans sapin que ce temps de l’Avent, que ce temps de Noël maintenant tout proche soit remplis de l’espérance de Pâques. Une espérance qui nous fait relever la tête et voir plus loin que nous même, une espérance qui nous fait ouvrir les mains pour recevoir au-delà de nos forces…

Amen

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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