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Où commence la paix ?

Où commence la paix ?

C'est dans une atmosphère insurrectionnelle que Jésus entre dans Jérusalem... Mais qu'apporte ce corps étranger ?
Prédication sur Zacharie 9, 10 à 11

Une ânesse et son ânon, des foules joyeuses qui jouent avec des branchages, des rires et des chansons, rien d'étonnant à ce que nous associions traditionnellement la fête des Rameaux à une fête pour enfants
Pourtant l'entrée de Jésus dans Jérusalem est, de par sa mise en scène un acte profondément politique, aussi engagé et militant que le cortège syndical dans une manifestation. Entrée de Jésus dans Jérusalem : 200 personnes selon les forces de l'ordre, 80 000 selon les organisateurs.

J'ai bien conscience qu'en remplaçant par les Rameaux par les banderoles de la CGT et la barbe de Jésus par la moustache de Philippe Martinez, je change un peu vos représentations mentales. Mais peut-être cette image est-elle plus proche de l'atmosphère du texte que nos images saintes...

Son entrée est d’abord un geste symbolique sur la scène internationale puisqu’au nez et à la barbe de l'occupant romain, Jésus parodie l'entrée triomphale d'un empereur romain...

Et pour les foules qui l'accompagnent comme pour les habitants de Jérusalem, Jésus organise son entrée de manière à être reconnu comme le messie. En effet, loin de toute modestie, c'est bien Jésus qui organise cette entrée royale. Mais la prophétie qu'il choisit de réaliser, celle de Zacharie est très particulière, très loin de l’entrée décrite au psaume 24 qui a accompagné l’ouverture de notre culte.

Je vous invite à l'entendre.

Zacharie 9, 10 à 11.

Sois transportée d'allégresse, Sion la belle !

Lance des acclamations, Jérusalem la belle !

Il est là, ton roi, il vient à toi ;

il est juste et victorieux,

il est pauvre et monté sur un âne,

sur un ânon, le petit d'une ânesse.

Je retrancherai d'Ephraïm les chars

et de Jérusalem les chevaux ;

les arcs de guerre seront retranchés.

Il parlera pour la paix des nations,

et sa domination s'étendra

d'une mer à l'autre,

depuis le Fleuve

jusqu'aux extrémités de la terre.

Associer la joie, la beauté d’un pays ou d’une ville et la paix n'a rien de bien surprenant. Mais d'où vient la paix ? Hmmm non, quand cette question est posée par le pasteur du haut de la chaire, la réponse est trop facile. Oui, la paix vient de Dieu mais n’allons pas trop vite et demandons-nous donc plutôt où la paix commence-t-elle ?

Je crois que nous sommes tous persuadé que la paix commence chez l'ennemi !

A l’international, quand un pays nous attaque, on se dit que la paix viendra quand il sera vaincu ou quand il aura changé, quand il se sera converti. Actuellement, nous prions pour la conversion de Poutine, la paix en Ukraine viendra de Russie, soit que Poutine se soit converti, qu’il aie changé, soit qu’il ait été vaincu... C’est vrai, à l’échelon national, actuellement gouvernement et manifestants se renvoient mutuellement la responsabilité de la violence. La paix viendra au moment où ils retireront leur projet de réforme des retraites contre « la paix viendra quand ils arrêteront de manifester. C’est toujours chez l’autre que commence la paix. Moi, quand je me dispute… Non, moi je ne me dispute jamais ! Quand les autres se disputent avec moi… La paix doit toujours venir de l’autre. C’est à lui d’arrêter de se disputer, c’est à lui de faire le premier pas… Et même même quand je fais le premier pas, c’est dans le but de l’apaiser, dans l’idée que la paix va venir de lui.

Pierre Desproges résumé cela en une phrase : « L’ennemi est très bête, il croit que c’est nous l’ennemi, alors que c’est lui. »

Dans notre tête, la paix commence toujours chez les autres, puisque ce sont les autres qui nous attaquent ! Même Poutine est persuadé que c’est l’Ukraine qui l’agresse.

Zacharie affirme

Je retrancherai d'Ephraïm les chars

et de Jérusalem les chevaux ;

les arcs de guerre seront retranchés.

Premier renversement, la paix ne commence pas chez les autres, elle commence chez nous.

Bien sûr, cette promesse dans Zacharie peut s’entendre dans les deux sens. Le plus logique, c’est que ce sont les chars, les chevaux et les arcs ennemis qui seront retranchés. Actuellement, nous espérons tous que les chars russes seront retirés d’Ukraine. Sauf que pour cela, nous nous envoyons des armes plus puissantes à l’Ukraine alors que Zacharie propose un roi pauvre monté sur un ânon pour chasser les chevaux…

On peut aussi comprendre autrement. Peut-être que Zacharie parle de retrancher les chars, les chevaux, les arcs de l’armée d’Israël. D’ailleurs, pour nous qui croyons que c’est Jésus qui réalise la prophétie de Zacharie alors les chars, chevaux, et arcs retranchés ne sont pas ceux de l’ennemi mais bien ceux de Jérusalem Si Jésus est venu dans Jérusalem pour en retrancher l’armée romaine, il a raté son coup. En fait, Jésus a désarmé ses disciples.

Jésus a retranché les armes de ses disciples et c’est ce que nous allons célébrer le week-end. Jésus a retranché les armes de ses disciples en se laissant arrêter, juger et crucifier. Parce que c’était lui leur arme principale, c’est en lui qu’il y a avait la puissance nécessaire pour faire des miracles, pour convaincre les foules, pour répandre la Bonne Nouvelle à travers le monde. Et Jésus leur enlève cette arme, il se laisse arrêter, il se laisse condamner, il se laisse mettre à mort.

Mais alors la résurrection ?

Eh bien la résurrection, c’est pareil, Jésus ressuscité n’est pas allé se montrer aux grands prêtres, ni à Ponce Pilate, ni aux romains. Ca, ça aurait été une sacrée arme : « regardez ! celui que vous avez crucifié, il est vivant ! ». Là, tout le monde se convertissait. Sauf que ce n’est pas comme ça que ça c’est passé. Ce qui s’est passé, c’est que Jésus ressuscité ne s’est montré qu’à ses disciples, qu’à ceux qui croyaient en lui. Ce qui s’est passé, c’est que Jésus a été enlevé au ciel. Avec l’Ascension, Jésus a enlevé les armes de ses disciples. Ce sont nos armes à nous qui sont enlevées dans ce texte.

Pas d’ambiguïté, pas d’erreur, je ne suis en train ici de faire l’apologie du désarmement, de la non-violence, ou de l’antimilitarisme. Le désarmement, c’est une pensée, une stratégie humaine, c’est, comme la diplomatie, comme le militarisme, une manière humaine de chercher la paix. Ce sont deux manières humaines de chercher à gérer la question de la violence. J’ai un peu tendance à les renvoyer dos à dos en disant que pour le moment, il n’y en a aucune des deux qui fonctionnent. L’histoire a montré que le pacifisme n’avait pas empêché des guerres, et cette dernière année, nous avons pu mesurer que la force militaire, et même la dissuasion nucléaire, n’était pas aussi dissuasive qu’on pouvait le croire (là, c’est un point de vue très occidental, bien d’autres peuples savent très bien et très douloureusement que la dissuasion nucléaire n’a jamais mis fin aux guerre) Mais on y a quand même cru. Or aujourd’hui, la dissuasion nucléaire nous dissuade surtout d’empêcher un pays d’envahir son voisin.

Nos stratégies humaines contre la guerre ont toutes échoué.

Mais Zacharie et Matthieu nous affirment que la paix vient de Dieu. Et là on la retrouve la réponse de catéchisme !

La paix vient de Dieu par le roi, le messie, le christ que Dieu envoie. Mais ce roi, ce messie, ce christ nous vient comme un corps étranger. Comme un corps étranger qui nous désarme, qui nous enlève des choses auxquelles on croit, des choses sur lesquelles on compte pour se défendre, pour se justifier… Jésus nous désarme ! Ce n’est pas un corps étranger facile, agréable à recevoir.

Ce n’est pas nous qui nous désarmons, c’est Jésus qui nous fait baisser les armes. Et, nous dit Zacharie, cette seigneurie, cette domination va s’étendre jusqu’aux extrémités de la terre. Cette paix qui commence par notre désarmement, par l’amputation de nos forces va s’étendre jusqu’aux extrémités de la terre.

Frères et sœurs, notre roi vient à nous. Tremblons car ce roi vient comme un corps étranger. Tremblons car ce roi vient nous désarmer, nous perturber, nous bouleverser. Tremblons car ce roi vient jeter à bas nos citadelles et nos sécurités. Tremblons car ce roi vient retrancher ce par quoi nous nous croyons fort. Tremblons, mais tremblons de joie car ce roi vient nous donner la paix, une paix que nos citadelles, nos forces, nos sécurités n’ont jamais réussi à nous donner.

Amen.

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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