Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La route, le GPS et le bulldozer

Prédication du dimanche 25 mars 07
Philippiens III, 8 à 14
Jean VIII, 1 à 11
Esaïe XLIII, 16 à 21

Ce matin, Esaïe nous parle d’une route qui nous est ouverte, c’est une image classique mais il m’a paru intéressant d’approfondir  un peu cette image. Ce matin, nous parlerons de route, de GPS et de bulldozer...

Quoi de plus normal, de plus prévisible pour le Dieu d’un peuple nomade que d’ouvrir une route ? Même dans sa sédentarité, le peuple hébreux, ces « traversants » n’oublie pas son passé de voyageurs, son histoire faite de passage, d’itinérance et de découverte. Après tout, cet idéal de voyage reste le notre. Si bien des images bibliques nous sont désormais difficilement compréhensible, l’appel de la route nous parle toujours autant : En route ! En marche ! sont des slogans qui font toujours recette. Rien de tel, dans une campagne électorale que d’accuser son adversaire d’immobilisme. Alors, le Dieu qui ouvre des routes n’est pas vraiment surprenant…
Pourtant, que les slogans dynamique de nos politiciens ne nous fassent pas perdre de vue notre résistance naturelle au mouvement, notre incroyable force d’inertie. N’oublions pas que l’immobilisme qu’il est de bon ton de condamner aujourd’hui n’a pas toujours été compris de façon aussi péjorative. Bien au contraire, la stabilité, le refus du changement sont apparues et apparaissent encore, dans bien des cultures humaines, comme infiniment souhaitable. Et ce désir d’immobilité transparaît à travers la Bible. Comme tous les peuples, comme tous les humains, les hébreux aspirent à la confortable certitude d’un monde immuable. Et, en réponse à ce désir, Dieu vient ouvrir des routes, renverser l’ordre établi des choses. Comment s’installer dans l’idée d’un monde qui sera toujours l même, si Dieu transforme le désert en fleuve ?Face aux certitudes humaines, le désert est définitivement sec, ce qui est sera toujours, Dieu vient ouvrir une brèche. Dans notre inertie, Dieu nous convertit au mouvement…
Et ce mouvement n’est pas seulement rupture avec l’immobilisme, il est aussi rupture avec le nomadisme. En effet, le nomade voyage en suivant une boucle. Il n’a pas de but définitif et ce sont finalement toujours les mêmes paysages qu’il arpente. Son voyage, tout comme le monde dans lequel il vit, n’est qu’un éternel recommencement. Le peuple hébreux, lui, ne suit pas une boucle, il traverse. Son but n’est pas la prochaine étape mais la terre promise. Le chemin que Dieu ouvre est aussi différent de l’itinéraire nomade que la droite l’est du cercle. On oublie en effet souvent qu’une des grandes nouveauté de la Bible, c’est la compréhension linéaire plutôt que cyclique du temps. Là où de nombreux peuples voyaient le temps comme une succession d’âge, sans cesse recommencée, à l’image du cycle des saisons, la Bible nous fait découvrir une histoire qui a un commencement et une fin, une histoire qui a un sens et un but.
Le Dieu qui ouvre des routes est un Dieu qui nous met en mouvement. En marche, nous sommes vivants. Mais notre marche n’est pas un vain activisme, une fuite en avant ou une boucle sans fin. Elle a un but. Un Dieu qui nous et en marche, c’est un Dieu qui nous délivre des situations figées, un Dieu qui donne un but, c’est un Dieu qui brise les cercles vicieux…

Mais si le voyage, l’ouverture d’une route est une promesse, c’est aussi une aventure. Tout d’abord, la terre promise est Terra incognita. Nous ne savons pas ce que nous y trouverons. Dieu promet monts et merveilles, mais c’est bien Par la confiance et non par la vue ou le savoir que nous marchons.
L’autre risque du voyage, dès que l’on parle de but à atteindre, c’est de se perdre, de se tromper de route (ou carrément de quitter la route) et de manquer le but.
Et c’est là qu’interviennent la religion. Puisque Dieu nous donne un but, puisqu’il nous ouvre une route, nous allons la baliser cette route, nous allons donner à nos frères et nos sœurs tous les panneaux indicateurs nécessaires. Et c’est ainsi que des hommes et des femmes, souvent dans les meilleures intentions du monde, se sont mis à établir tout un ensemble de règles et de prescription. Et bien sûr, les Églises se sont engouffrées dans cette idée. « nOus allons guider nos frères et nos sœurs ! Nous allons leur donner des repères, des balises ! Nous allons leur éclairer le chemin que Dieu veut pour eux ! » Et les Églises, toutes les Églises, qu’elles soient catholiques romaines, protestantes ou orthodoxes se sont transformées en GPS.
On peut d’ailleurs se poser ici la célèbre question de l’œuf ou la poule. En effet, les Églises se posent-elles comme des cartes routières parce que c’est ce que viennent leur demander ceux qui se tournent vers elles (« donnez moi des repères », « dites-moi comment mener ma vie » ? Ou bien les gens nous demandent-ils des repères parce que c’est en fournisseurs de signalisation que nous nous présentons ? Comment tout a-t-il commencé ? Avec l’œuf ou la poule ?
Finalement cela n’a pas grande importance. Le résultat est là : on attend des Églises chrétiennes ce qu’on attend de toutes les religions : des repères, des guides, un itinéraire selon lequel vivre sa vie… Et nous sommes tout heureux de nous transformer en GPS… Un de plus sur le marché… Et maintenant que nous avons perdu le monopole, nous nous étonnons et nous lamentons de voir nos anciens clients se tourner vers d’autres modèles, plus séduisant, plus souples ou au contraire plus précis…
Mais ce n’est pas là, le plus grave. Ce qui importe ce n’est pas cette baisse de demande, cette perte de clientèle ! Après tout, nous ne sommes pas un marché ni une industrie. Ce qui est grave, c’est que nous nous sommes éloignés du témoignage que nous avions à porter.
En effet, quand votre GPS vous indique que vous êtes perdu, que vous avez fait fausse route, il vous suffit de faire demi-tour, de refaire la route en sens inverse et de reprendre le bon chemin.
Mais quand l’itinéraire en question est votre vie, il est impossible de faire demi-tour. Quand votre GPS vous dit que vous vous êtes trompé, que vous êtes dans l’impasse, eh bien c’est trop tard : il n’y a plus rien à faire. Vous n’avez plus qu’à prendre votre tête entre vos mains et pleurer. A celles et ceux qui se sont perdus, le message d’une Église GPS n’est plus qu’un « Fallait pas », « T’avais qu’à pas », un « Tant pis pour toi » quand ce n’est pas carrément un « Bien fait pour toi ! ». Bref un message qui n’a plus rien à voir avec le Dieu libérateur de l’évangile…

A trop vouloir jouer au GPS, au guide, nous avons oublié que Dieu fait bien plus que nous montrer un chemin : il nous ouvre une route.
Quand son peuple s’est de lui-même jeté dans une voie sans issue, adorant d’autres dieux et se détournant de YHVH, Dieu vient percer une route. Là où le panneau indicateur ne suffit plus, là où le GPS ne fait qu’attester la fin de notre parcours, signer notre condamnation (« je te l’avais bien dit »), Dieu, quant à lui, se fait bulldozer : il renverse les obstacles, il défonce et écrase jusqu’à ce que l’impasse n’existe plus.
Affirmer que Dieu nous ouvre un chemin, c’est bien plus que jalonner ce chemin, c’est affirmer qu’il est toujours possible de repartir. « J’ouvre une route ». C’est l’action prophétiques de ceux qui se tournent vers les plus démunis. J’ouvre une route. C’est le pardon de la femme adultère : « Moi non plus, je ne te condamne pas » cela signifie : regarde, tu es sortie de ton impasse, plus aucun mur, plus aucun juge ne se dresse face à toi. Ta vie n’est pas arrêtée. « Va et ne pèche plus », n’est pas un avertissement, cela ne signifie pas « C’est ta dernière chance » mais simplement « Évite les voies sans issues, ne te rejette pas dans l’impasse ». J’ouvre une route. C’est le message de la résurrection.
Il n’y a plus d’impasse. Dieu est le bulldozer qui pour toi comme pour moi ouvre un chemin nouveau. Voilà ce que devrait être le message de nos Églises.
Bien sûr, nous avons sans doute notre mot à dire sur certaines voies qui sont manifestement sans issues (de toute façon nous ne nous tairions pas). Mais avant tout, pour nos frères et sœurs que ces GPS qui pullulent laissent dans l’impasse (quand il ne les y jette pas carrément, nous sommes appelés à témoigner du Dieu de l’entraide, du pardon et de la résurrection, le Dieu bulldozer qui met fin à toute impasse.

Mon frère, ma sœur, un chemin est ouvert pour toi aujourd’hui. Et quand tu crois être au bout de ta route, au fond de l’impasse, lève les yeux vers notre Dieu, et constate : les murs se sont effondrés, renversés par son amour. Avec lui, ta vie reprend. Avance sans craindre de te perdre. Lui, te retrouvera toujours. Pour le Dieu vivant, il n’y a pas d’impasse.
Amen.

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
Voir le profil de Eric George sur le portail Overblog

Commenter cet article