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Le Royaume des cieux est dans un sale état

Le Royaume des cieux est dans un sale état

Prédication du 23 février 2014

Matthieu 13, 24-32 et 36-43

Le Royaume des cieux est dans un sale état.

Nous aspirions au somptueux festin d'Abraham et c'est une malheureuse graine de moutarde qui nous est offerte. Nous attendions la Jérusalem céleste, cité merveilleuse d'or et de lumière, et c'est un champ plein de mauvaise herbe que Jésus nous présente. Oui, le Royaume des cieux est dans un sale état.

Parce que ce que nous découvrons à travers cette parabole, c’est que le royaume des cieux, ce n'est pas l'au-delà meilleur qui nous est promis après notre mort, le Royaume des cieux, ce n'est pas cette terre nouvelle d'après le retour glorieux du Christ, le Royaume des cieux, c'est ce champ dans lequel un ennemi a planté une mauvaise herbe. Et ce champ, nous dit Jésus en expliquant la parabole, c'est le monde. Le Royaume de Dieu, c'est notre monde avec toute sa violence, toute son injustice, toute sa misère et tout son manque d'amour. Vous voulez voir le Royaume de Dieu ? Ouvrez votre journal. Ouvrez votre fenêtre. Ouvrez vos yeux et regardez. Le Royaume de Dieu c'est notre monde, le Royaume de Dieu, c'est votre vie.

Comment ? Vous avez du mal à y croire ? Vous ne le reconnaissez pas ce Royaume ? Moi non plus, à vrai dire. Trop de crasse, trop de mauvaises herbes, trop d'ivraie, dans mon cœur et dans le monde, comment pourrais-je y reconnaître le Royaume de Dieu.

Et pourtant, quand j'ouvre ma Bible, il m'est dit que c'est bien là, dans ce champ qu’est le Royaume des cieux. Bien sûr, c'est du bon grain qui y a été semé et l'ivraie, toute cette saleté n'était pas au programme. Elle a été rajoutée par un ennemi, dans le mystère de la nuit. Mais cette ivraie qui nous empoisonne n'étouffera pas le bon grain. Elle n'empêchera pas la moisson.

Le champ sera libéré de l'ivraie, voilà la promesse qui nous est faite au moment même où nous découvrons que notre monde est le Royaume des cieux.

Pourtant, cette promesse me fait mal. Je me demande si je ne préfèrerai pas que le Royaume des cieux soit un autre monde, ce paradis perdu, cette cité céleste promise. Au moins, je saurai que Dieu ne règne pas sur ce monde où je vois tant de laideur et de souffrance. Mais si Dieu règne sur ce champ de mauvaises herbes qu’est notre monde, alors je sens monter ma colère. Comment Dieu peut-il supporter ce que nous, nous ne supportons pas ? Comment peut-il tolérer ce qui nous fait, de l’extérieur et de l’intérieur, tant de mal ?

C’est sur cette blessure, sur cette colère que la parabole attire notre attention. Nous avons entendu l’explication de la parabole par Jésus. Chaque élément trouve son explication : le semeur c’est le fils de l’homme, le champ c’est le monde, l’ennemi, c’est le diable, la moisson, c’est la fin du monde, les moissonneurs ce sont les anges, le bon grain, ce sont les fils du Royaume, et l’ivraie ce sont les fils du malin (sur ces deux derniers éléments, les fils du Royaume ou du malin, j’aurais tendance à dire : « ce » et non « ceux » ce qui vient du Royaume, ce qui vient du malin. Il est vrai que j’ai l’impression qu’en moi-même on trouve de l’ivraie et du bon grain, des choses du Royaume et des choses du malin.)

Mais il est un élément qui n’est pas expliqué, ce sont les serviteurs… Qui sont ces serviteurs ? La réponse est évidente, c’est nous.

Ces serviteurs qui ne semblent ne voir que l’ivraie, c’est nous, nous qui toujours nous focalisons sur la mauvaise herbe, sur ce qui ne va pas. Nous dont le regard est si souvent d’abord braqué sur le mal.

Qui sont ses serviteurs si désireux d’arracher l’ivraie ? C’est nous. Et je ne crois pas que ce soit seulement par impatience. En effet, les serviteurs ne demandent pas que la bonne semence pousse plus vite, ce qui les intéresse c’est de se munir de désherbant et de partir en guerre contre le mal, contre la mauvaise herbe. Et je crois que bien souvent, ce qui nous intéresse, ce n’est pas tant l’avènement du Royaume que de partir en croisade contre le mal que nous-même, nous identifions, que ce soit une croisade réelle contre les peuples ou les courants politiques qui constituent l’axe du mal, que ce soit une croisade sociale contre ce qui nous indigne, contre l’injustice ou le racisme, que ce soit une croisade intérieure, c’est bien le même esprit guerrier, le même idéal de paladin, de chevalier blanc qui nous anime.

Oh, bien sûr, qu’il y a des types de croisade que je préfère à d’autres, que je trouve plus conforme à l’Evangile, mais je crois qu’ici, Jésus nous oblige à nous interroger sur notre côté « va-t-en-guerre », sur notre esprit de dénonciation, sur la violence qui nous anime.

Bien sûr qu’à un moment, l’ivraie doit être arrachée mais le premier souci de Dieu, c’est de préserver la bonne semence. Bien sûr qu’à un moment le mal doit être combattu mais le premier souci de Dieu c’est que le bien croisse.
Et nous, quel est notre premier souci ? la préservation de ce qui est bon ou la destruction de ce qui est mauvais ? la vie du juste ou la mort du méchant ? Oserons-nous nous interroger sur ce qui, dans chacun de nos combats, est pour nous le but, le prétexte ou la nécessité ? La protection du petit est-elle notre but ou notre prétexte ? La destruction (réelle ou symbolique) du méchant est-elle une nécessité ou notre but ?

Frères et sœurs, notre monde et notre vie sont ce champ où Dieu a fait planter une bonne semence. Que la mauvaise herbe ne nous fasse jamais croire que ce champ est un champ de ruine. Que notre instinct guerrier n’en fasse jamais un champ de bataille. Le champ c’est le monde, le monde, c’est là que croît le Royaume des cieux.

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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D
Je découvre votre blog. Merci pour ce message fort et encourageant.
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J
Cher Eric, Je suis touché par toutes les questions que vous vous posez à propos de la Vérité et de Celui à qui elle appartient. Permettez-moi, par conséquent de préciser que "le champ", dans cette parabole du Royaume, ne représente pas ce Royaume, mais plutôt : "le monde" ; quant aux serviteurs ou, moissonneurs : ce sont les anges.( mat 13:36-43). J' aimerais aussi vous rappeler que le Christ nous demande de lutter d' abord : contre l'imperfection de notre chair en renouvelant notre vielle personnalité par celle qu' Il nous a laissée en exemple ; et également contre les forces spirituelles méchantes dirigées par Lucifer. Pour le reste, ne nous perdons pas en conjectures car Yahvé est fidèle et digne de la même foi de notre part, que celle que Jésus lui accordait.
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