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A l'aube, des femmes et un jeune

A l'aube, des femmes et un jeune

Prédication de Pâques sur Marc 16, 1 à 8

Qui est ce jeune homme qui annonce aux femmes la résurrection ?

Ce dimanche-là, ce premier jour de la semaine, trois femmes se lèvent de bon matin pour accomplir une tâche de nettoyage et de soin. En effet, il faut bien se rappeler qu’en cette période lointaine, il y a deux mille ans, le soin et le nettoyage étaient des tâches plutôt réservées aux femmes. Et, elles sont détournées de cette tâche du soin et du nettoyage pour une mission nouvelle : aller porter un message, une bonne nouvelle, un évangile aux autres disciples.

Notons bien que ce sont des femmes mais ne les enfermons pas dans cette identité-là.

Ce dimanche-là, ce premier jour de la semaine, trois disciples se lèvent de bon matin pour honorer le corps du Seigneur, pour l’embaumer. Deux mille ans, nous, Eglise, nous chrétiens et chrétiennes n’agissons pas très différemment de ces trois disciples.

Comme elles, en ce premier jour de la semaine, nous nous sommes levés tôt pour honorer le Seigneur, pour accomplir les rites : nous avons lancé ce joyeux dialogue : - Christ est ressuscité – Il est vraiment ressuscité, nous avons chanté « A toi la gloire ». Et peut-être, comme elles, nous inquiétons nous sur nos chemins de foi des obstacles à notre mission de disciple, peut-être comme elles, nous demandons-nous qui roulera la pierre du sépulcre, qui roulera la pierre des refus, des incrédulités, des certitudes de ce monde qui s’oppose de toutes ses forces à la Bonne Nouvelle…

Ce matin, nous ressemblons à Marie la Magdaléenne, à Marie de Jacques et Salomé et qui viendra nous détourner de notre tâche pour nous confier une mission nouvelle ? Qui viendra nous empêcher d’embaumer, de momifier celui qui est ressuscité ?

Si nos rituels de Pâques sont joyeux, s’il est nécessaire de faire mémoire, s’il serait malsain et absurde de nous priver du plaisir de sentir les voûtes du temple vibrer de « A toi la gloire », n’avons-nous pas quand même tendance à figer celui qui est vivant en une glorieuse statue ? Et finalement, ne sommes-nous pas venus, comme Marie, Marie et Salomé embaumer, fixer un corps ?

 

C’est un jeune homme qui a détourné Marie, Marie et Salomé de la tâche qu’elles s’étaient fixées. Ce jeune homme, certains le voient comme un ange… Moi, je crois que nous le connaissons, que Marc nous l’a déjà présenté. Lors de l’arrestation de Jésus,

Marc nous raconte : Un jeune homme l'accompagne, vêtu d'un drap sur son corps nu. Ils le saisissent. Mais lui quitte le drap et fuit, nu…

(Mc 14, 51-52)

Oui, je crois que c’est le même. Et, bien qu’il soit ici un messager, je ne le reconnais pas comme un ange, je le vois plutôt comme un visage de l’Eglise.

En effet, en Marie, Marie et Salomé, je vois le visage traditionnel, institutionnel de l’Eglise - aucun de ces deux mots n’est péjoratif dans ma bouche : Marie, Marie et Salomé sont présentes alors que tous ont abandonné, elles sont présentes dès le lever du jour, dès que c’est possible). Et alors que Marie, Marie et Salomé représentent l’institution et la tradition de l’Eglise dans ce qu’elles ont de meilleur, le jeune homme, lui, en est le visage renouvelé et éclairé.

Je vous ai rappelé le contexte, en commençant ma prédication, et bien, il y a près de deux mille ans, ce provocateur de Marc représente l’institution de l’Eglise par des femmes et la sagesse de l’Eglise par un jeune.

En effet, ce jeune homme est, à mes yeux, la véritable sagesse à laquelle l’Eglise est appelée. L’Eglise serait sage de vouloir suivre Jésus jusqu’à la croix et sage de reconnaître son incapacité à aller jusqu’au bout, sage de laisser tomber son apparence de compétence, de force, de sainteté et de sacrifice pour apparaître dans sa fragilité et sa nudité…  L’Eglise serait sage de se rappeler que Jésus ne se sert pas dans la tombe, ni même au temple ou à l’Eglise mais que vivant, il nous précède toujours et nous appelle à le suivre dans le monde des vivants…

Oui, ce jeune homme a notre visage, il est cet élan qui nous pousse à nous déplacer et, sinon à nous dépasser, en tout cas à passer,

à faire le passage, à faire un pas de plus parce que ce Jésus de

Nazareth, ce crucifié que nous cherchons pour l’embaumer, il n’est pas ici…

Marc met en présence deux visages de l’Eglise : d’un côté son institution, sa volonté de servir le Seigneur, sa tradition, de l’autre son renouvellement, sa reconnaissance que le Seigneur est vivant, toujours devant, jamais là où l’on voudrait le saisir et que toujours il nous précède et nous échappe… Et que sort-il de cette rencontre ?

Elles s'enfuient hors du sépulcre.

Car elles sont saisies de tremblement et de stupeur.

Et elles ne disent rien à personne

Car elles avaient peur.

Un échec…

Et c’est sur cet échec, sur ce silence terrifié que se termine sans doute les premières moutures de l’évangile selon Marc (les versets suivants dans vos bibles sont, d’après les spécialistes un ajout ultérieur pour palier une fin trop abrupte)

Personnellement, j’aime cette fin abrupte parce que ce n’est pas une fin… Pensez aux premières communautés chrétiennes pour lesquelles Marc écrit son évangile, quand leurs membres lisent ces derniers mots « elles ne disent rien à personne car elles avaient peur », ils savent bien que l’histoire ne s’arrête pas là. Ils l’ont entendu cette annonce de la Résurrection de Jésus, ils savent que Marc l’a entendu puisqu’il écrit que le jeune homme l’a dit aux femmes. Et que ça veut donc dire que les femmes ont fini par parler.

Seulement, lecteurs et lectrices de Marc, nous pouvons remarquer qu’entre l’impasse de la peur des femmes, une peur parfaitement humaine, parfaitement compréhensible et le moment où nous recevons le message de la résurrection, il y a un blanc, un vide. Comme celui du Samedi Saint. Comme ce temps qui sépare la mort de Jésus sur la croix et la découverte du tombeau vide.

En terminant sur ce silence et cette peur des femmes, Marc nous permet de faire nous-mêmes l’expérience de la Résurrection, de découvrir, au-delà de nos rites et de nos traditions, que dans nos morts, dans nos impasses, Dieu ouvre un passage…

Mon frère, ma sœur, qu’en ce matin de Pâques, le soleil se lève sur les impasses de ta vie, sur tes doutes, sur tes peurs, sur tes colères et tes fatigues, sur tous les impossibles qui cloisonnent ta vie. Et qu’à sa lumière, dans la jeunesse d’un jour nouveau, tu découvres qu’une brèche a été ouverte, un passage a été percé. Jésus, le crucifié, le Christ, le vivant marche devant toi et il t’ouvre un chemin vers tes frères et tes sœurs !

 

Amen

Photo de Daniel Joshua sur Unsplash

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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