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Une histoire de volontés et de relations

Une histoire de volontés et de relations

Matthieu 21, 28-32

 

Chers frères et sœurs, la morale de cette histoire c’est qu’il vaut mieux dire « non » puis obéir que dire « oui » et ne pas obéir.

Amen

On ne me reprochera pas la longueur de ma prédication…

 

A moins que… A moins que je continue à ne pas voir dans les paraboles des contes dont il faudrait tirer une morale mais des histoires qui nous questionnent et nous font réfléchir.

Ce matin, nous réfléchirons sur la volonté et sur la relation, la relation entre le père et ses enfants mais aussi sur la relation entre les enfants…

Faire la volonté

Jésus termine son histoire par une question, entendons un peu cette question : « Lequel des deux a fait la volonté du père ? »

Faire la volonté du père… Les mots ne sont pas anodins, Jésus ne demande pas lequel des deux a obéi à son père… Faire la volonté du père, dans ce contexte d’un évangile, on pensera sans doute au Notre Père : que ta volonté soit faire… Peut-être nous souviendrons-nous que Jésus est là « pour faire la volonté de [son] père… Mais même si nous dépassons le cadre de l’évangile, faire la volonté de quelqu’un, ce n’est pas exactement la même chose que lui obéir. En effet, pour obéir à quelqu’un, il faut que celui-ci ait exprimé un ordre ou une demande. Alors que je peux faire la volonté de quelqu’un sans que cette personne formule une demande.

Mais dans cette parabole, il y a bien une demande exprimée, et même un ordre clair « Va aujourd’hui travailler à la vigne ». En effet… Mais on peut se demander si c’est seulement en allant travailler à la vigne que le premier enfant fait la volonté du père.

Père ou seigneur ?

Revoyons donc un peu cette histoire. Un homme a deux enfants. Avec chacun de ses enfants, il a exactement la même attitude : il s’approche et dit « enfant, va travailler dans la vigne aujourd’hui »…

Un homme a deux enfants. Mais chacun de ses enfants a-t-il un père ? Ce n’est pas si évident. Et dans le cas du deuxième, le problème est flagrant :

  • Enfant, va travailler dans la vigne aujourd’hui
  • Moi, seigneur !

Au vu du contexte, ce « moi !’ est sans très certainement un acquiescement. Ce pourrait même être un acquiescement enthousiaste, vous savez comme Agnan dans le Petit Nicolas ou comme Hermione Granger dans Harry Potter, « moi, moi, m’sieur j’y vais !!!! ». C’est pour cela que les traducteurs traduisent par « Oui » ou « Bien sûr ». Mais ce n’est pas « Oui, père », c’est « oui, seigneur ». Le deuxième fils n’a pas un père, il a un seigneur. Et après Agnan et Hermione, j’entends le sergent-instructeur Hartman dans Full Metal Jacket (je vais être moins ordurier que lui) :

  • Quand vous vous adressez à moi, le premier et le dernier mot qui doivent sortir de votre bouche, c’est « chef », compris ?
  •  Chef, oui, chef !

Et c’est bien à cela que ressemble la réponse du second fils… Père, seigneur : la relation n’est pas exactement la même… Le deuxième fils n’a pas un père, il a un seigneur.

D’ailleurs, on peut même se demander s’il a un seigneur puisqu’au bout du compte, il ne fait pas ce que son seigneur lui dit… On en a eu un exemple assez amusant ces derniers temps : des gens qui habituellement vantent l’autorité du pape se sont soudain senti très contestataires de l’autorité pontificale, presque protestants, quand le pape a appelé à l’accueil des migrants… Et le pape devenait un adversaire politique…

En effet, quand je ne fais pas ce que me dit mon seigneur, ou mon maître, celui-ci devient mon ennemi…En effet, le seigneur, c’est celui qui récompense la fidélité par l’amour, la valeur par l’honneur … et le parjure par la vengeance (Tolkien) Pour revenir à notre relation à Dieu, qu’est-ce que je fais, quelle relation est-ce que je tisse avec Dieu quand je fais de lui mon Seigneur alors que je n’accomplis pas sa volonté, alors que je suis incapable d’accomplir sa volonté ?

Et qu’en est-il du premier fils ?

-         Enfant, va travailler dans la vigne aujourd’hui

-         Je ne veux pas

Tiens, ici, il est question de volonté : à la demande de son père, le fils oppose sa volonté. On n’est donc pas dans une relation seigneur-serviteur : il y a une place pour la volonté de chacun.

Le fils dit sa volonté à lui et il agit selon sa volonté. Il ne va pas à la vigne. Pourtant, il laisse aussi une place à la volonté de son père puisqu’il regrette il y va.

Dans quel type de relation laisse-t-on volontairement et librement sa propre volonté de côté pour faire celle de l’autre ?

Dans l’amour. Ici l’amour filial, mais aussi dans l’amour conjugal, mais aussi dans l’amour envers ses amis. Aimer ne signifie pas qu’on veuille toujours la même chose (même si c’est bien de vouloir la même chose, et s’il est souhaitable que ce soit souvent le cas), cela signifie que je peux, librement, volontairement mettre ma propre volonté de côté.

Nous sommes tous d’accord avec les pharisiens, avec Jésus aussi (ouf !), c’est le premier fils qui a fait la volonté du père. Mais comment l’a-t-il faite ? En allant travailler à la vigne ? En éprouvant des regrets ? En exprimant sa propre volonté et son refus ?

Vous me donnerez votre avis…

En tout cas, dans cette parabole, il n’est pas question de jugement ni de condamnation, personne n’est voué aux flammes de la Géhenne où il y pleurs et grincements de dents… Et, jusqu’à la question finale de Jésus, le père, lui, reste le père. Il reste le père du premier enfant quand il refuse. Il reste le père du deuxième enfant qui l’appelle seigneur. Il reste le père du deuxième enfant qui ne va pas à la vigne.

A travers cette parabole, je peux m’interroger sur ma relation à Dieu, mon Seigneur peut-il se révéler être pour moi, un père parfait, aimant et patient ?

Enfants uniques ?

Et puis, dans son commentaire aux pharisiens, Jésus ouvre une dimension qui n’est pas évoquée dans la parabole : « Vous qui avez vu cela, vous qui avez vu que les prostituées et les collecteurs d’impôt croyaient Jean, vous n'avez pas regretté par la suite ». Pour Jésus, les pharisiens sont clairement semblables au second fils, et il les invite à regarder ce que vivent les prostituées et les collecteurs d’impôt. Si dans la parabole, les deux enfants n’interagissent pas, Jésus invite les pharisiens, à regarder ce que vivent ceux qu’il leur révèle être leurs frères et leurs sœurs…

En découvrant que nous pouvons vivre une relation filiale avec Dieu nous aime et qui nous appelle à entrer dans une relation d’amour, nous pouvons, par la même occasion découvrir que nous ne sommes pas enfants uniques et entrer dans une fraternité parfaite même avec ses autres enfants… Pas dans la rivalité, ni dans la jalousie, la compétition, le jugement ou l’inimitié. Mais dans l’amour, et l’exemple mutuel : et si, au lieu de juger la relation de l’autre à Dieu, j’en profitais pour interroger la mienne : et si le premier enfant apprenait du second la capacité à dire « oui » ? et si le second apprenait du premier, la capacité à dire sans peur son point de vue, sa volonté propre ? Et si nous apprenions les uns des autres ?

En effet, frères et sœurs, que nous l’appelions « Père » ou « Seigneur », ou même que nous ignorions qu’il est un Dieu que nous soyons dans la peur, dans le refus, dans l’obéissance confiante, c’est par son amour que Dieu fait de nous ses enfants et c’est dans cet amour que nous sommes appelés à vivre.

 

Amen

Photo de dylan nolte sur Unsplash

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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