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Une histoire pleine de trous...

Une histoire pleine de trous...

Voici à quoi le royaume des cieux est semblable : un trésor caché dans un champ ; l'homme qui l'a trouvé le cache et, dans sa joie, il va vendre tout ce qu'il a pour acheter ce champ-là.

Matthieu 13, 44

Connaissez-vous le paradoxe du gruyère ? Plus il y a de gruyère, plus il y a de trous, or plus il y a de trous, moins il y a de gruyère. Donc plus il y a de gruyère, moins il y a de gruyère. Mes amis suisses me pardonneront cet abus de langage, je sais qu’il n’y a pas de trous dans le gruyère. Mais cette petite parabole est précisément une histoire pleine de trous. Et je ne parle pas seulement du trou dans le champ, mais bien des trous dans l’histoire elle-même.

Or, contrairement au gruyère, dans une histoire, plus il y a de trous, plus il y a d’histoires…

Et ce matin, avec vous, je voudrais évoquer quelques histoires et quelques interprétations possibles à partir des trous de cette parabole…

 

Je vais faire appel à votre imagination. Si je vous parle d’un trésor, à quoi pensez-vous ?

De quelle nature est ce trésor ? Par vos réponses, on pourrait déjà entamer une interprétation : vous avez évoqué une cassette ou un coffre plein de bijoux et de pièces d’or, d’autres ont parlé d’un paysage ou d’un trésor architectural : le Royaume des cieux est-il un bien précieux, un lieu que l’on pourrait atteindre à la fin des temps ou après la mort ? D’autre encore ont évoqué la famille ou l’amitié : Le Royaume des cieux est-il une abstraction, un sentiment qui nous fait vivre aujourd’hui ?

 

Cet homme qui l’a découvert, l’a-t-il trouvé par hasard ? Ou à l’issue d’une longue quête ? Cherchait-il ce trésor en particulier ou était-il en quête de richesses ? Pourquoi fouillait-il ce champ ? Avait-il mené une longue enquête, pleine d’indices et de fausses pistes ? Avait-il une carte ?

Et nous ? Avons-nous trouvé le Royaume des cieux ? Si oui, comment ? Au terme d’un parcours de catéchisme, d’une longue étude des textes bibliques, en avons-nous hérité d’une histoire familiale, l’avons-nous découvert au hasard d’une rencontre ? Et si nous ne l’avons pas trouvé, le cherchons-nous ? Comment ? Par une longue quête de prière et d’ascèse ?  Dans une enquête auprès de toutes les religions ?

 

Et pourquoi après l’avoir découvert, l’homme le cache-t-il à nouveau ? Est-ce pour être sûr que personne d’autre ne le trouve pendant qu’il va acheter le champ au plus bas prix… Pas très honnête de sa part. L’histoire pourrait alors nous pousser à nous interroger sur la manière dont nous partageons ce que nous avons découvert : quand nous sommes heurtés par le comportement d’un personnage biblique, il n’est pas inutile de nous demander si ce comportement n’est pas parfois le nôtre…

Comprise ainsi, la parabole pourrait aussi nous parler de notre propre sentiment de culpabilité, de malhonnêteté devant cette grâce, cet amour dont Dieu nous aime et que nous ne méritons pas…

Mais pourquoi notre découvreur de trésor serait-il malhonnête ? Il pourrait aussi avoir partagé sa découverte avec le propriétaire du champ et avoir convenu d’un prix avec lui. Parce qu’après tout, le trésor de l’un n’est pas forcément le trésor de l’autre. Ainsi le propriétaire du champ et le découvreur du trésor seraient tous deux gagnants… La parabole nous parlerait alors d’un Royaume qui enrichit tous lorsqu’il est partagé…

On pourrait également envisager cette histoire comme une variante biblique du jeu des cistes. Le jeu des cistes est une chasse au trésor ouverte à tous. Un cacheur dissimule quelque part dans un lieu accessible une petite boite étanche contenant un objet de faible valeur et donne sur Internet des indices pour trouver le trésor. Chaque trouveur est invité à remplacer l’objet de la ciste par un autre objet de faible valeur et à la recacher pour les suivants… Lue ainsi, la parabole peut nous rappeler que le Royaume des cieux ne peut pas être donné, ou transmis par nous, qu’il peut seulement être découvert… Et que nous ne pouvons qu’indiquer où chercher en laissant celles et ceux à qui nous annonçons ce Royaume libres dans leur recherche…

 

Bien sûr, ces trous de l’histoire, peuvent être remplis de bien d’autres manières et puis il y a encore d’autres trous, d’autres questions : que se passe-t-il ensuite ? Qu’advient-il l’homme qui a découvert ce trésor ? Va-t-il sortir le trésor de sa cachette, va-t-il le laisser dans ce son champ, parce que « ce qui fait la beauté d’un champ, c’est qu’il y a un trésor caché quelque part »… Et ce trésor, qui l’avait caché et pourquoi ? (A ce propos, la variante biblique du jeu des cistes pourrait nous inviter à lire la parabole en boucle : le royaume des cieux est semblable à un trésor caché dans un champ, l’homme qui l’a trouvé le cache, un autre homme le trouve et le cache, un autre le trouve et le cache… )

J’ai conscience d’avoir ouvert, peut-être un peu rapidement une profusion de pistes possibles… Peut-être même, vous ai-je un peu étourdis de toutes ces possibilités. Pourtant, je ne trancherai pas entre toutes ces histoires rendues possibles, je ne vous raconterai pas celle qui me parle ces temps-ci. Je ne voudrais pas refermer la parabole, la replier sur un sens unique, au contraire, je vous encourage à écrire vos propres histoires à partir de ce synopsis, les histoires qui vous éclaireront sur le Royaume.

En revanche, frères et sœurs, je vais m’arrêter sur un point sur lequel la parabole me paraît très explicite : le Royaume des cieux ne change pas dans cette histoire : caché dans un champ au début, il est caché dans un champ à la fin. Ce qui se transforme c’est peut-être le champ qui change de propriétaire, ce qui se transforme c’est certainement l’homme qui le trouve, qui entre dans la joie, vend tout ce qu’il a et devient propriétaire d’un champ.

Alors nous, dans notre quête de sens, n’ayons pas peur de défigurer le Royaume en nous appropriant cette histoire et n’ayons pas peur que les autres le défigurent en racontant, en comprenant l’histoire autrement que nous... Découvrons cette abondance d’histoires possibles et dans ce trésor, cherchons celles qui nous font vivre, celles qui nous transforment, celles qui nous emplissent de joie.

Amen

Photo de Nadjib BR sur Unsplash

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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