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La Nativité (suite et fin)

Après avoir honteusement profité de la tonalité biblique du film pour faire l'intéressant et amener la réflexion théologique au cinéma, il serait peut-être bon que je dise ce que j'ai pensé du film.
Commençons par ce que je n'ai pas aimé : un Hérode d'opérette, des mages bouffons et surtout certains choix esthétiques plus que discutables. En effet, la réalisatrice emprunte parfois à l'imagerie religieuse ce qu'elle a de plus mièvre et de plus kitch ! Heureusement, cette critique ne s'applique qu'à quelques scènes du film (parce que l'ange Gabriel et surtout la crèche font plus que friser le ridicule (cf. l'image))
A part ça, si le film n'est sans doute pas un grand moment de cinéma, il est loin d'être dénué d'intérêt.
Tout d'abord, je salue la fidélité du film aux textes. Je sais bien que toute oeuvre cinématographique basée sur une oeuvre littéraire est une adaptation et je ne suis pas forcément un intégriste de la fidélité au document de base. Mais bon, ici on est dans  le film biblique et la fidélité à l'Écriture me parait un critère important.
Bien sûr le film brode énormément : les récits de la naissance de Jésus sont bruts et il est quasiment impossible d'en tirer un film sans en ajouter. Mais ce qui a été ajouté ne me paraît pas forcément nuisible à cette fidélité. En revanche 2 questions me semblent importantes : Est ce que le film présente des éléments qui vont contre le texte biblique ? Et est-ce que tous les éléments des textes sont dans le film.
Pour répondre à la première question, je n'ai relevé que deux éléments vraiment contraires aux textes biblique.
Dans le film, les mages décident par eux-mêmes d'éviter de retourner voir Hérode. Dans le texte, l'avertissement leur en est donné en songe. Un détail qui a son importance puisqu'il montre la conversion des mages.
L'autre infidélité est plus courante (et aisément explicable) : c'est l'assemblage en une seule histoire des récits de Matthieu et de Luc. Cet assemblage est fortement ancré dans notre culture mais il me paraît très loin des textes. En effet une lecture sérieuse de Matthieu et de Luc oblige à y voir deux histoires différentes (ceci dit, choisir un des 2 récits comme seule histoire de la Nativité serait aussi une trahison).
La réponse au second critère : est ce que tout y est ? est encore plus positive. Il ne manque qu'une chose : l'armée céleste toute entière apparaissant aux bergers. (Il y a aussi un suspens haletant quant au Magnificat : le dira ? le dira pas ? L'emplacement choisi me paraît une très bonne idée.)
Mais Catherine Hardwicke ne colle pas seulement aux évènements racontés par les textes, dans son film, elle illustre aussi des sous-entendus forts de Matthieu et de Luc : cette naissance vient accomplir les prophétie, elle survient dans une période de trouble et elle est scandaleuse pour les mœurs de l'époque.

Enfin, toujours fidèle à l'esprit des textes, La Nativité ne se contente pas de raconter la naissance et de rappeler la prophétie. Mais comme Matthieu et Luc composèrent leurs récits de l'enfance en fonction de ce qu'ils savaient du ministère de Jésus, la cinéaste glisse dans son film de nombreuses allusions théologiques.
Quelques exemples par ordre croissant de préférence
L'or, la myrrhe et l'encens explicité par les mages (selon l'interprétation classique)
Les crucifiés que Marie croise durant son voyage.
Joseph et Marie entrent dans Sepphoris(?) sur l'annonce du prophète Zacharie, "Ton roi vient à toi, humble et doux, monté sur un ânon, le petit d'une ânesse" Annonce qui dans les évangiles marque l'entrée de Jésus  dans Jérusalem (le jour dit des rameaux)
Le récit d'Élie sur le mont Horeb est le rappel récurrent d'un Dieu qui se manifeste dans la faiblesse, la fragilité, le vide même.
Lors du massacre des innocents, un soldat d'Hérode entre dans l'étable pour y découvrir la mangeoire où ne reste qu'un lange. Renvoi sans équivoque au tombeau vide.
Le mouvement constant qui nous rappelle que Dieu nous déplace sans arrêt, nous interdisant de nous fixer dans nos certitudes.
Enfin, un effet cinématographique facile mais dont j'apprécie beaucoup la portée théologique. Le film commence par un mouvement descendant de caméra et termine sur un mouvement ascendant (Dieu rejoint les hommes dans leur faiblesse pour les amener à lui).

D'autres clins d'œil possibles mais à mon avis plus discutables.
L'attaque du serpent, que personnellement, je n'ai lue que comme un indice des dangers du voyages, mais où d'autres ont vu l'attaque de Satan. C'est très possible mais je méfie beaucoup des personnalisations du mal.
Marie lavant les pieds de Joseph. Peut-être un rappel du lavement des pieds. Cependant, ce serait maladroit. D'abord parce que Marie n'est pas le Christ et surtout parce que le lavement des pieds est un renversement complet dans l'Évangile de Jean : ce n'est pas au maître de laver les pieds de ses disciples. En revanche, il n'y a rien de choquant à ce qu'une épouse lave les pieds de son mari (à cette époque, je veux dire !) Bref, je préfère lire cette scène dans le cadre de l'amour naissant de Marie pour Joseph (une idée du film qui n'a rien à voir avec la Bible mais qui est toute mignonne. D'ailleurs, en général, j'aime assez le portrait  de Marie et de Joseph)
Enfin, un petit flash qui je l'espère est une maladresse plus qu'un symbole. Quand Joseph élève le bébé qui vient de naître, on ne voit pas de cordon ombilical. J'espère que ce n'est pas une illustration de certains pères de l'Église qui estimaient que pendant sa conception Jésus n'avait eu aucun contact avec le ventre de sa mère. Parce qu'une affirmation de ce genre, c'est une négation complète de l'humanité de Jésus.

La Nativité n'est sans doute pas un grand film mais dans le genre film néotestamentaire, il est très supérieur au Mel Gibson (ce qui n'était pas dur) et au Zefirelli.
Et puis au moins, je peux en faire lecture théologique sans m'interroger sur ma santé mentale. Ce sera plus dur quand je m'attaquerai à Casino Royale.

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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L
Là vous m'intriguez. J'attends avec impatience une chronique de cette qualité sur Casino Royale...
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