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Noé (3) Au pied de l'arc en ciel

arc-en-ciel.jpgPrédication du 2 mars 08
 
Matthieu V, 1à 12
Exode XX, 1 à 17
Genèse VIII 20 à IX, 17

Nous voici donc à la sortie de l’arche, au terme du déluge. Trois éléments marquent cette fin du déluge : un sacrifice, une loi, un arc-en-ciel. Prenons-les dans le désordre : un arc en ciel, un sacrifice, une loi.

« Voici, j’ai mis mon arc dans la nuée ». Les rabbins se sont posés l’importante question de savoir s’il y avait eu des arcs en ciel avant le déluge. Et, à cette question apparemment sans intérêt, ils ont eu cette réponse que je trouve tout à fait éclairante : il y  avait des arcs en ciel avant le déluge mais ce n’étaient alors que de simples phénomènes météorologique. Depuis le déluge, le croyant peut voir dans l’arc en ciel le signe, le rappel de l’alliance de Dieu avec l’humanité. Ainsi, l’arc en ciel sera pour tous un phénomène météorologique éphémère et coloré, pour le rêveur, il sera un rappel des contes de son enfance,  pour l’esprit scientifique, il sera un rappel que la lumière du ciel est formé d’un spectre continu de 7 couleurs (même si la bande indigo est de fait invisible dans l’arc en ciel), pour le croyant, il sera un rappel de l’épisode du déluge et de la promesse de Dieu. Je trouve que c’est une très bonne définition du miracle. Le miracle n’a pas besoin d’être un évènement surnaturel et, quelle que soit sa nature, il n’est signe que pour celui qui le reçoit pour tel. Les rabbins n’ont pas eu un langage mythologique, ils n’ont pas expliqués l’arc en ciel en disant : « ce jour-là, Dieu a créé l’arc en ciel, comme un nœud à son mouchoir, pour ne pas oublier de fermer le robinet après avoir lancé la pluie ». Ils ont dit : « ce texte nous permet de lire dans un phénomène naturel un rappel de la promesse de Dieu : Quelle que soit la méchanceté de l’homme, je ne noierai plus la terre ». L’arc en ciel n’est donc pas un prodige qui prouverait l’existence d’un Dieu magicien, mais pour nous qui croyons, il est le signe d’une promesse : tant que la terre durera, semailles et moissons, froid et chaleur, jour et nuit jamais ne cesseront. (Genèse VIII, 22)
Et pourtant, cette création n’a pas été nettoyée par le déluge, l’humanité qui va recommencer avec Noé n’est pas une humanité purifiée : elle est bien la même qu’avant la pluie : Le cœur de l’homme est porté au mal dès sa jeunesse (Genèse VIII, 21). Dieu ne se fait pas d’illusion sur la bonté de l’homme mais il décide qu’il ne le frappera plus. Qu’y a-t-il à l’origine de cette décision ? Un sacrifice.

Cela signifie-t-il que Dieu, par l’odeur de cet holocauste alléché, se tient à peu près ce langage : « certes l’hommes est porté au mal dès sa jeunesse mais il sait quand même préparer de bon petits plats et ce serait dommage de s’en tirer. » Dieu se laisse-t-il séduire par le fumet d’un sacrifice ? Les prophètes nous prouveront bien qu’il n’en est rien. Dieu, nous le savons, accorde moins d’importance aux sacrifices qu’au cœur de l’homme. Alors, comment le sacrifice de Noé, pousse-t-il Dieu à épargner cette humanité tellement encline au mal ? Peut-être faut-il voir alors ce qu’est ce sacrifice offert par Noé. J’en ai trouvé deux lectures et j’en proposerai une troisième. Et je ne vous demanderai pas de choisir entre les trois, parce que le choix n’est pas nécessaire…
Le sacrifice de Noé est un holocauste, un sacrifice offert en expiation des péchés commis en pensée. Une légende juive raconte qu’en sortant de l’arche et en voyant le monde dévasté, Noé a pensé Comment le Seigneur a-t-il pu agir ainsi sans aucune pitié pour ses créatures ? Dieu lui a alors rétorqué : C’est maintenant que te vient cette idée ? Pourquoi ne m’as-tu pas imploré quand je t’ai ordonné de construire l’arche et que je t’ai  annoncé le déluge ? J’ai attendu ta prière en faveur de tes contemporains mais tu as gardé le silence. Quand tu as su que tu allais être sauvé il ne t’est plus venu à l’idée de prier pour les autres. C’est maintenant, alors que le monde est détruit, que tu deviens bavard ! Le sacrifice est alors offert à Noé pour se faire pardonner son égoïsme. L’homme, enclin au mal, prouve qu’il est capable de  se repentir. Et c’est pour cette capacité au repentir que Dieu l’épargne.
D’autres commentaires voient dans le sacrifice de Noé un geste d’action de grâce. Cette humanité recommencée avec Noé, est toujours aussi mauvaise mais Noé l’inaugure avec le remerciement. L’homme enclin au mal, prouve qu’il est capable de reconnaissance. Et c’est pour cette capacité à la reconnaissance que Dieu l’épargne.
Pour ma part, je pense que si Noé offre ce sacrifice, c’est que les animaux purs sont là… Rappelez-vous que lorsque Noé fait monter les animaux dans l’arche, il prend un couple de chaque espèce mais 7 pour les animaux purs. Pourquoi ces 7 couples ? J’ai longtemps cru que c’était pour une question de ravitaillement. Or la permission de manger de la viande ne vient qu’après le déluge. Si les animaux purs sont plus nombreux que les animaux impurs, ce n’est pas pour que Noé et sa famille puissent en manger quelques-uns mais bien pour qu’ils aient de quoi offrir un sacrifice. Le chiffre 7 qui évoque Dieu en est d’ailleurs un signe supplémentaire. En faisant embarquer Noé, Dieu lui a donné de quoi continuer à offrir des sacrifices. Alors, sommes-nous en train de revenir à ce Dieu gourmand, affamé des graisses des sacrifices que l’humanité lui offre ? Bien sur que non. Mais à cette époque, pour les rédacteurs du textes aussi bien que pour ses lecteurs, la relation avec Dieu passe par le sacrifice. Ainsi, en racontant que Dieu a permis à Noé d’embarquer avec lui, le nécessaire pour des sacrifice, le récit du déluge raconte que non seulement Dieu a préservé cette création corrompue, mais qu’il a également préservé sa relation avec une humanité au cœur enclin au mal. Ainsi, il ne faut pas forcément lire une relation de cause à effet entre le sacrifice et la décision de Dieu de ne plus envoyer le déluge mais on peut également voir dans ce sacrifice et cette décision, deux aspects de cette alliance de Dieu qui nous protège et reste en relation avec nous.

Mais Dieu ne se contente pas de nous affirmer que le déluge n’aura plus lieu. Il ne se contente pas de préserver sa relation avec nous. Il nous donne aussi un code de conduite afin de n’être plus submergé par notre propre violence
Si on la compare au décalogue ou aux béatitudes, les deux autres textes qui sont fréquemment pris dans le christianisme comme textes de loi, la loi noachique a un statut particulier : elle n’est pas une loi religieuse ce qui la distingue du décalogue et elle n’est pas non plus l’invitation au bonheur des béatitudes. Et surtout, c’est une loi qu’il est possible d’appliquer en tout point. Bref, la loi noachique n’est pas une loi qui vise à établir la relation entre l’homme et Dieu, elle ne sert pas à rendre l’homme juste devant Dieu. Elle est donnée à l’homme comme un code de survie.
Elle repose en effet, sur le constat de la violence de l’homme : puisque l’homme est violent dès sa jeunesse, il lui est désormais possible de manger de la viande. Mais à cette concession faite à notre violence (c’est un fait : la vie se nourrit de la mort), Dieu pose des limites : tu rendras des comptes pour la vie de ton frère, et même pour les animaux, tu pourras manger de la chair mais pas avec le sang, c'est-à-dire la vie. Je ne comprends pas cet interdit comme une prohibition du boudin : mais plutôt comme un rappel : tu peux te nourrir des animaux mais n’oublie jamais que tu n’en es pas propriétaire. Tu n’as pas le droit de faire n’importe quoi avec les animaux, tu peux t’en nourrir, tu peux dominer sur eux, mais ils ne sont pas un instrument pour ton plaisir. Il ne s’agit pas seulement ici de loi en faveur des animaux, il s’agit bien de dire à l’homme, la nécessité absolue de poser des limites à son orgueil (tu n’es pas le maître de la création : la vie de la plus humble des créature ne t’appartient pas, aussi fort sois-tu) et à sa violence (la vie doit restée sacrée à tes yeux). Il ne s’agit pas ici de morale ou de vivre selon la foi, mais bien d’une question de survie. Sans le respect de ce code que Dieu nous donne, la création sera à nouveau noyée par notre capacité à malfaire… La loi noachique a une portée universelle, et en la donnant à Noé, Dieu donne à l’humanité la clef de sa survie.

Frères et sœurs. Nous sommes indiscutablement cette humanité dont le cœur est porté au mal, cette humanité dont la violence risque de noyer la terre entière, cette humanité si souvent désespérante. Que ce récit du déluge soit pour nous un arc en ciel au milieu de la pluie, qu’il vienne nous rappeler que nous sommes également capables de repentir et de reconnaissance, qu’il vienne nous dire que nous pouvons poser le respect de la vie comme digue au flot de notre violence. Et surtout, surtout, qu’il nous dise l’amour de Dieu. Dieu qui maintient, coûte que coûte sa relation avec nous. Dieu qui nous promet de changer nos cœurs afin de passer d’une loi de survie à une loi de vie, à une véritable liberté.

Amen
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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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E
Bonsoir, <br /> Ce serait bien de citer vos sources, vous reprenez en partie les écrits d'Antoine Nouis.
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C
<br /> <br /> Merci collègue pour cette belle respiration qui va me permettre de me lancer dans ma prédication de dimanche l'esprit un peu plus ouvert et plus léger.<br /> <br /> <br /> une collègue strasbourgeoise<br /> <br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Merci et... à charge de revanche, alors ;)<br /> <br /> <br /> <br />