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Turquie tour (3)

 27 avril

11h30

Bon, ben c’est raté pour savoir ma place exacte. Ca viendra. Et puis ce matin au petit déjeuner, on me demande si je pourrai présenter le protestantisme français. Si la chef est d’accord et qu’on a le temps, pourquoi pas…

Ce matin, nous quittons Nevseir. J’aurai aimé voir un plus cette ville qui n’a rien d’une ville touristique ni d’une vitrine et qui semble pousser à toute vitesse aux frontière de la Cappadoce… La matinée est consacrée à l’illustration de l’expression « marchand de tapis ». Umit nous conduit à une fabrique de tapis, fierté de la Turquie et en particulier de la Cappadoce. C’est vrai que les femmes qui y travaillent sont des artistes (qui ne signeront jamais leurs œuvres) mais franchement, le vendeur en est un autre. Un long temps d’explication sur la fabrication (j’apprend qu’un tapis et la résolution graphique d’un ordi, c’est pareil), une boisson offerte (avec une mise en garde contre le thé à la pomme (boisson pour les touristes, Umit nous avait déjà prévenu) et contre le café turc mal fait (un bon café turc, ça doit être préparé à froid, parfaitement monsieur…), une interprétation des tapis présentés. Puis un raz-de-marée de couleurs et de motif commence.

Pour ma part, hors de question d’acheter sans Laurence mais les explications sont intéressantes. Les tapis sont riches de cultures et de langage, un moyen de communication entre mère et fille dans une société tacite. Petite exégèse du tapis de dot : si les franges sont nattées, la jeune fille n’est pas mariée. Si les nattes sont attachées deux par deux, elle est prête à se marier. Quand elles ne sont plus nattées, la femme est mariée. Puis des nattes attachées trois par trois annoncent une naissance à venir. Bref, en Turquie, entre mère et fille et belle-mère et belle fille on met tout sur le tapis… Mais en silence.
Pas une culture pour moi : rien ne passe par la parole… Quand un homme courtise une jeune fille, il trouvera sa réponse dans le café qu’on lui offrira. Pas dans le marc, mais dans le goût : café sucré, ça veut dire oui (les nattes du tapis ont du être nouées deux à deux), café salé c’est non. Histoire d’ajouter un peu d’amertume à un cœur brisé sans doute…

Après tout cela, c’est la valse des vendeurs, je crois que les ¾ de notre groupe craquera. Chose intéressante : le tapis est livré à domicile : c’est le gouvernement turc qui offre l’expédition. Une manière intéressante de favoriser l’exportation…

18h

Pour une fois, pas de buffet à midi. En revanche repas rapide : le restaurant attend un autre groupe.

Visite du caravansérail de Sultanhani avec sa cathédrale à chameaux. J’explique : l’étable des chameaux est bâtie sur le modèle des cathédrales. Peut-être un apport des croisades d’après notre guide, l’époque coïncide. Je me prends à rêver d’un voyage à pieds et à chameau sur la route de la soie, de caravansérail en caravansérail… Ce serait une autre façon de connaître la Turquie mais j’ai peur que cette fois ce soit sans ronde de desserts…

Pas grand-chose à dire sur le tombeau de Mevlana Jalâl ud Dîn Rûmî et sur les derviches tourneurs (nous n’en verrons pas, à part la petite démonstration d’un gentil gardien tourneur, c’est aujourd’hui plus une attraction touristique qu’un vrai temps de prière). Le soufisme a beau être un visage de l’Islam qui m’est sympathique, un chant de l’amour de Dieu, le mysticisme n’est décidément pas ma tasse de thé.

Pas de spectacle de derviches tourneurs mais une petite réflexion sur la laïcité turque. La réforme d’Atatürk a été brutale, peu respectueuse de l’Islam il me semble : Coran traduit en turc, obligation (non respectée aujourd’hui) pour les muezzin de lancer leur appel en turc, lieu de pèlerinage transformé en musée. Konya est devenu le symbole de la résistance de l’Islam à la réforme. Umit nous en touche quelques mots mais nous sentirons tous le poids de cette lutte lors de notre rencontre avec la communauté chrétienne de Konya. L’Islam se raidit contre ce qu’il ressent comme une persécution, faisant un gigantesque amalgame de tout ce qui n’est pas lui, le gouvernement se raidit à son tour et ce sont ceux qui respectent le loi, les chrétiens qui font les frais de cet énorme bras de fer. Il me semble que cette laïcité de combat fait finalement le jeu du fanatisme, l’adversaire auquel elle prétend s’opposer, et le nourrit. Je n’angélise toutefois pas l’Islam : il est triste que sur un lieu si fort du soufisme, mystique de l’amour et de l’ouverture, vive aujourd’hui un Islam qui se dit dans le refus de l’autre.

Tout cela est vite et maladroitement écrit mais aucun de nous n’oubliera cette petite église ouverte au cœur de la musulmane Konya ni ces petites sœurs placées là comme témoins de Christ pour tous ceux qui pousseraient leur porte, évangélisation passive et persévérante, respectueuse de la loi et résistante. Nous sommes bien loin des marchands de tapis et des disputes œcuméniques.

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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