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Calvineries

Année Calvin oblige, les comptoirs de librairie du monde protestant ont vu fleurir moult ouvrages sur Calvin, certains ont même débordés au-delà du monde protestant.

Conférence oblige, j'en ai lu quelques uns dont voilà un court recensement.

 

Calvin sans trop se fatiguer.  Forcément, avec un titre pareil, je ne pouvais pas résister. Mais en fait, s'il n'est effectivement pas fatiguant, le livre n'est pas non plus spécialement plaisant, peut-être trop didactique, peut-être pas assez approfondi. Je ne sais plus. Mais si le texte ne m'a pas emballé, il reste les merveilleuses illustrations de Mix et Remix. Grâce à elles, Calvin sans trop se fatiguer devient « Calvin en rigolant bien ».

A l’intention du pasteur réformé comme du lecteur chrétien, Calvin s’exerce à concevoir la meilleure méthode d’interprétation de la Bible (…) Il agit en pédagogue et, multipliant les sources, recourt à ce que nous appelons aujourd’hui les sciences humaines, la philologie comme l’histoire afin d’éclairer les chrétiens (…) Ce procédé remet en cause des idées établies depuis longtemps, mais Calvin en s’en émeut guère parce qu’il estime que l’essentiel est de retrouver le sens authentique d’un passage afin d’éviter les interprétations forcées ou « subtile » du texte qui confirmaient des préjugés théologiques

C. Elwood

 

Pas trop fatiguant non plus, le Calvin de Jean Luc Mouton, et celui-là est nettement plus agréable à lire. Une biographie qui évite l'hagiographie et (pas toujours) la relecture psychologisante. C'est parfois un peu confus, d'après les spécialistes, mieux vaut prendre certaines données avec des pincettes mais ça n'en reste pas moins un bon moyen de faire connaissance avec le personnage. Et puis c'est un blasphème contre la tradition d'invisibilité protestante : pensez donc, un livre de poche trouvable partout ! Mais quelle mouche a donc piqué le journaliste de Réforme ?

Calvin appartient à une génération convaincue d’avoir retrouvé le texte biblique et son message dans sa pureté originelle. Rien ne devait pouvoir le détourner de cette vocation sacrée. D’où les combats, les coups, la véhémence de ses joutes d’intellectuels, les débats vitupérant contre toutes les dérives, portés de part et d’autre de l’échiquier confessionnel. Ses attaques contre Rome et la papauté et ses dérives « superstitieuses » n’ont d’égales que ses emportements contre les « séditieux et les illuminés » issus des courants anabaptistes. Ses adversaires, tant du côté catholique que protestant et luthérien, ne l’ont pas non plus ménagé.

Y. Mouton

 

Le Calvin d’O. Millet n’est pas non plus beaucoup plus fatigant que le Calvin sans trop se fatiguer (même pas 200 pages), est à mon avis bien plus intéressant, présentant aussi bien la vie de Calvin que sa pensée, son héritage et l'origine de sa légende, noire ou dorée. Le top, ça aurait été la monographie de Millet avec les illustrations de Mix et Remix et la diffusion du Mouton.

Le conflit séculaire qui s’installe alors entre protestantisme et catholicisme, se construit en grande partie sur l’image, blanche ou noire, des réformateurs, mais tout particulièrement sur celle de Calvin. Pourquoi celui-ci est-il d’abord un enjeu majeur dans la bataille des images qui s’installe, lui plus encore que le premier réformateur, Martin Luther ? Du coté catholique, parce que Calvin est d’origine française, et appartient au départ, politiquement et culturellement, à la France, « fille aînée de l’Eglise ». Une véritable trahison ! Parce que la réforme calvinienne assume et accomplit, aux yeux des contemporains, ce qu’il y avait d’inaccompli, de limité géographiquement et culturellement dans la réforme germanique de Luther. Calvin et le laboratoire qu’il a créé, Genève, exercent un attrait redoutable, c’est eux qu’il faut d’abord abattre. Si la réforme protestante est une rupture qui inaugure une nouvelle manière d’être chrétien, la réforme calvinienne ajoute à cela, une nouvelle manière d’être membre de l’Eglise et de la société, nous dirions aujourd’hui d’être au monde et d’être européen. Avec Calvin, le temps et l’espace de l’occident chrétien ne sont plus les mêmes.

O. Millet

 

Enfin, le Jean Calvin (l'originalité du titre me confond) d'Olivier Abel nous lance dans  un genre nouveau : la biographie philosophique. Pour reprendre un mot de Guylène Dubois, de l'Arrêt aux pages (c'est pas de la pub,c'est du copinage), Abel "fait exploser Calvin", chaque évènement relaté, chaque aspect de la pensée présentée devient prétexte à un réflexion qui conduit Calvin bien au-delà de ses frontières théologiques, temporelles, ou géographiques. Sous la plume d'Abel, Calvin s'ouvre sur  l’éducation, la conflictualité, le désenchantement du monde…

Calvin définit sa position en s’opposant à ceux qui y voient une présence lourdement réelle du corps et du sang du Christ, mais aussi à ceux qui n’y voient qu’un signe vide, une convention arbitraire. Les sacrements sont « un signe extérieur par lequel notre Seigneur nous représente sa bonne volonté », et c’est pourquoi « notre confiance ne doit pas s’arrêter aux sacrements et la gloire de Dieu ne doit pas leur être transférée. Si les sacrements, c'est-à-dire pour Calvin, le Baptême et la Cène, son des signes, l’unité d’une chose sensible et d’une réalité spirituelle, il faut souligner à la fois l’absence de cette réalité, la distance infranchissable, et la donation présente, la re-présentation. En nominaliste adroit, Calvin l’appelle une métonymie. Si les signes humains, qui ont plutôt figures des choses absentes que enseignes et marques des présentes, prennent le nom de celles-ci […] chaque fois que tu trouveras ces formes de parler que le pain est le corps […] qu’il te souvienne de reconnaître que le nom de la chose supérieure et plus excellente est transférée à la chose inférieure selon la coutume ordinaire de l’Ecriture ». On peut dire que c’est encore une relecture de Platon, mais c’est déjà une théorie moderne du signe. Le signe en soi n’est rien sans l’intention significative qui lui donne son sens, sans la parole qui le remet dans un arc plus large et l’adresse : l »le pain n’est pas sacrement, sinon au regard des hommes auxquels la Parole s’est adressée. ». Le Signe n’est rien en soi , il n’a de sens que pour nous : « l’eau du baptême n’est point changée en soi, mais quand la promesse y est ajoutée, elle commence de nous être ce qu’elle n’était pas ». Et là encore se trouve l’important : « La vertu de la parole qui est au sacrement réside non pas en ce qu’elle est prononcée, mais en ce qu’elle est crue et reçue ».

O. Abel

 

Cette liste est loin d'être exhaustive et les ouvrages qui n'y figurent pas sont certainement dignes d'intérêt. Seulement je ne les ai pas lus.

 

C. ELWOOD et Mix et Remix : Calvin sans trop se fatiguer. Labor et Fides

J-L MOUTON : Calvin. Folio

O. MILLET. Calvin. Un homme, une œuvre un auteur. Infolio

O. ABEL : Jean Calvin. Pygmalion

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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