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L'esprit de l'athéisme

Peut-on se passer de religion ? Dieu existe-t-il ? les athées sont-ils condamnés à vivre sans spiritualité ? Voilà les questions auxquelles André Comte-Sponville propose des réponse « loin des ressentiments et des haines cristallisées par certains » affirme la quatrième de couverture. Je me demande bien à, qui elle fait allusion ;o)
Ce livre m’a donc paru un bon choix pour tenir ma promesse de lire un autre penseur de l’athéisme. De plus le sous-titre me laissait rêveur Introduction à une spiritualité sans Dieu»…  Intéressant pour moi qui plaide pour un Dieu sans spiritualité (promis, j’écris bientôt au moins un article sur la question)…
Eh bien, je n’ai pas été déçu, voilà un vrai traité d’athéologie développant une vraie réflexions et posant de vraies question. La preuve qu’on peut écrire un livre riche et accessible sur un sujet profond sans sombrer dans la démagogie et l’accumulation d’images d’Épinal…
La première partie est remarquable sur plusieurs points. D'une part Comte-Sponville montre bien que ce qui distingue le croyant de l'athée n'est ni la connaissance ni la morale mais l'espérance et en bon connaisseur du christianisme, il sait aussi que selon le message évangélique, l'espérance n'est pas ce qui importe le plus et que le moment présent compte plus qu'une spéculation sur l'Au-delà. Son plaidoyer pour un gai désespoir me convainc moins. J'ai quand même l'impression que l'humanisme qu'il revendique est un autre lieu de l'espoir. En revanche, je le rejoins complètement, quoique pas tout à fait dans le sens où il s'y attendrait, sur un point essentiel. Un christianisme de morale, de valeur (y compris l'amour) peut tout à fait faire l'économie de Dieu. Si c'est dans la morale, dans les valeurs chrétiennes que se joue le christianisme, alors, il peut y avoir des chrétiens athées. Si Jésus de Nazareth est un maître de sagesse, alors il n'a pas besoin d'être Dieu. Je dirais d'ailleurs la même chose d'un christianisme rituel. C'est bien pourquoi je réfute l'appellation "chrétien" ou "protestants" a ceux qui se revendiquent de valeurs, d'une morale ou de pratique) En revanche, Comte-Sponville passe sous silence ce qui est au cœur de la foi chrétienne : la grâce qui relativise même la morale (si votre cœur vous condamne...) et qui sans limiter la liberté s'oppose au nihilisme (Tout est permis mais tout n'est pas utile)
La deuxième partie est la plus pauvre : sans prétendre prouver l'inexistence de Dieu, Comte-Sponville entend démontrer qu'il est plus raisonnable de ne pas croire que de croire. C'est peut-être vrai. Pour les besoins de cette démonstration, il donne une définition de Dieu. "

J'entends par Dieu un être éternel, spirituel et transcendant (à la fois extérieur et supérieur à la nature), qui aurait consciemment et volontairement créé l'univers. Il est supposé parfait et bienheureux, omniscient et omnipotent. C'est l'être suprême, créateur et incréé (il est cause de soi), infiniment bon et juste, dont tout dépend et qui ne dépend de rien. C'est l'absolu en acte et en personne

C'est là que le bas blesse puisque cette définition (qui doit sans doute beaucoup au catholicisme passé de Comte-Sponville) ne correspond pas au Dieu dont la Bible rend témoignage. (Avec un brin de perfidie, j'ajoute que l'athéisme d'André Comte-Sponville n'exclut pas les dieux des religions polythéistes ou les esprits des animistes). Du coup, c'est assez froidement que je reçois ses arguments contre un Dieu auquel je ne crois pas.
Comme je le disais en introduction, la 3ème et dernière partie, une spiritualité athée, était celle qui éveillait le plus ma curiosité. Et, c’était à prévoir, la spiritualité revendiquée par le philosophe est parfaitement opposée à ma compréhension de la grâce. Ici, ce n’est pas un conflit de pensées mais bien une opposition d’expériences. Tout d’abord, la spiritualité de Comte-Sponville s’inscrit dans la droite ligne des religions orientales ou de la mystique : elle est disparition de l’Ego, fusion dans le tout. Alors que la grâce est avant tout relation, et se vit donc dans l’altérité et la subjectivité. Dans l’expérience de la grâce, JE reste bien présent, je ne suis ni sublimé ni anéanti et JE prends conscience aussi bien de mes limites que de l’importance qui m’est donnée. Pourtant, je valide tout à fait l’expérience spirituelle décrite par A. Comte-Sponville, pour avoir fait moi-même, parfois, cette expérience, je comprend ce qu’il veut dire, de quoi il parle. Mais, me semble-t-il la bonne nouvelle de la grâce va plus loin. En effet l’expérience spirituelle est éphémère, fugace. Elle ne semble être là que pour donner soif, pour montrer les barreaux de la prison qu’est l’Ego. Faire l’expérience de la grâce, c’est s’apercevoir que ce n’est pas dans cette spiritualité éphémère que se joue notre salut ou notre liberté.Croire en cette grâce, c’est se savoir aimé alors même qu’on ne ressent plus cet amour, c’est être libéré quand bien même nous ne vivions plus cette liberté. Et, parce que la grâce se vit au quotidien, elle me semble offrir une ouverture d’esprit plus grande encore que la spiritualité, fut elle athée.
Je rejoins parfaitement André Comté-Sponville, lorsqu’il écrit que ce qui sépare l’athée du croyant, c’est que l’athée aime la vérité sans se croire aimé d’elle. Le point central du christianisme est en effet de croire que la vérité nous aime même lorsque nous ne l’aimons pas. L’important et dans cet amour bien plus que dans celui que nous éprouvons ou ressentons. Mon salut, notre salut, n’est pas d’aimer, ni même de se sentir aimé, mais d’être aimé.

 

André Comte-Sponville : L'esprit de l'athéisme. Ed Albin Michel

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Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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T
Bonjour, permettez moi de vous citer:"Ce livre m’a donc paru un bon choix pour tenir ma promesse de lire un autre penseur de l’athéisme. De plus le sous-titre me laissait rêveur Introduction à une spiritualité sans Dieu»…  Intéressant pour moi qui plaide pour un Dieu sans spiritualité"Une spiritualité sans Dieu, je conçois aisément mais pour ce qui est d'un Dieu sans spiritualité, je ne suis pas sur de comprendre. S'agit il de croire en Dieu purement et simplement en faisant abstraction de croyances et/ou rites annexes propres à une religion?
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E
Tiens ! vous faites bien de me le rappeler celui-là. En effet, je caressais à cette époque l'idée d'un article sur la spiritualité. Et puis n'ayant jamais vraiment réussi à clarifié mon idée, j'ai laissé tomber. Essayons quand même...Ici par spiritualité, j'entendais surtout une attitude contemplative, détachée du monde qui nous entoure que ce soit par spéculation sur l'origine, la vie après la mort, la fin des temps et tout ça, ou bien par la méditation, le retour en soi etc. Et ce que je voulais dire, c'est que ma foi et ma lecture des textes bibliques me pousse plus souvent à "revenir sur terre", à me colleter avec cette vie-ci (bien sûr en la remettant en question, en prenant du recul) qu'à m'en évader. La foi me semble-t-il se vit d'abord dans le quotidien. Cela n'interdit pas de prendre parfois du recul mais j'ai l'impression que Dieu nous invite plus souvent à "retourner au charbon" qu'à nous envoler vers d'autres cieux.
T
 J'avoue ne pas comprendre l'utilité d'un telle question:"Les athés sont ils condammés à vivre sans spritualité". Si les athés (j'en suis partisant) ont ont réussit à s'affranchir de Dieu, pour quoi vouloir inlassablement les replonger dans des croyances (que je pense mensongères).C'est une question un peu à l'image des raélistes qui n'admettent pas des dieux mais des créateurs semblables à nous même mais plus évolués. Quel interêt?
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T
Effectivement un très bon livre, d'un véritable philosophe athée (tite dont je n'ai jamais compris pourquoi on parait, apr exemple, le sieur Onfray, qui n'a jamais fait étalage que d'ignorance et de hargne). Chez Comte-Sponville, rien de ça : culture vivante, réflexion de même... :-)<br /> bien. Donc, Dieu n'est pas un être éternel, spirituel et transcendant (à la fois extérieur et supérieur à la nature), qui aurait consciemment et volontairement créé l'univers. Il n'est pas supposé parfait et bienheureux, omniscient et omnipotent. Ce n'est pas l'être suprême, créateur et incréé (il est cause de soi), infiniment bon et juste, dont tout dépend et qui ne dépend de rien...<br /> Cela dit, si Dieu est créé, alors ce n'est pas Dieu (parcequ'alors qui l'a créé ? un autre dieu ?). Soyons logique, que diabe (oups...).<br /> <br /> D'autre part, si Dieu est un potier un peu dépassé par ses créations, et dans la pratique, plus faible même que l'Univers qu'il a créé, ça ne colle pas trop non plus. (on disait de se garder de l'anthropomorphisme - cela dit, "l'Homme est créé à l'image de Dieu" -, mais là c'en est.)<br /> <br /> Il existe, ai-je appris un jour, un concept juif appelé je crois "tsim-tsoum", et repris par Simone Weil, qui est le "retrait de Dieu" : Dieu infini, Dieu est tout (soit dit encore en passant : il y a, dans la Bible, une définition de Dieu : "JE SUIS"), tout puissant sur sa création - mais, puisque justement il EST, il est tout, pour qu'existe AUTRE CHOSE il faut, en quelque sorte, qu'il se retire.<br /> Cela aussi bien au sens "matériel" que du point de vue de sa puissance : pour que la liberté de l'humain soit une réalité, cela implique que Dieu abandonne une part de sa puissance sur lui ; ou n'en fasse pas usage, ou exprimez ça comme vous pourrez - on se trouve là à essayer d'évoquer Dieu avec des mots humains, c'est forcément imparfait, mais on peut tout de même entrevoir ce que cela signifie.<br /> En quelque sorte, Dieu EST tout-puissant, mais cède une partie de cette toute-puissance pour nous laisser partie prenante dans son oeuvre de création, pour nous faire "co-créateurs" (Genèse : Dieu offre le monde à l'être humain, le laisse nommer les êtres (différence fondamentale d'avec le Coran !), lui ordonne très clairement de gérer la Terre à partir de dorénavant. Avec cette injonction sur l'arbre de la connaisance du bien et du mal, qui rappelle que cette gestion, cette co-création, reste (librement) en lien privilégié avec Dieu, demeure dans son amour et dans son plan... ...et n'est pas (ou n'aurait pas dû être) une volonté de possession du monde pour soi-seul de l'homme se détournant de Dieu. Sinon tout se casse la gueule. Ce qui s'est, effectivement, produit, quand l'homme a dit "ben non finalement tout ça c'est à moi, je veux être le dieu de ce monde en seule référence à moi-même"<br /> <br /> Reste la question du Mal : ah, ben, chouette, elle découle de ce qui précède. (non pas que ça eplique tout : le mal reste un "mystère" dans le sens d'un phénomène visible, évident, mais qu'on n'a jamais finit de comprendre, chaque étape entraînant d'autres questions...<br /> ...le meilleur (?) paradoxe du Mal étant que, reconnaître son existence revient à se dire qu'il y a "Autre Chose" par lequel il se définit. Autrement dit : "si Dieu est bon, pourquoi le Mal...mais s'il n'existe pas, la Mal n'est pas "le Mal". Puisque dans un Univers se suffisant à lui-même, qu'est-ce que "le Mal", sinon des phénomènes, des enchaînements de circonstances, que nous regroupons arbitrairement sous une appellation, juste parce que de notre point de vue ils sont "désagréables" ou "angoissants" ou que sais-je ?<br /> De même pour la perfection : dire le monde "imparfait", c'est le comparer à la perfection...or qu'elle est-elle sinon l'Univers lui-même, s'il n'y a que l'Univers ? S'il n'y a que l'Univers, à partir de quoi le dire "imparfait" ?<br /> Ce serait juste que nous ne le comprenons pas, ou plutôt que nous ne l'acceptons pas. Mais, s'il n'y a que l'Univers, il n'est ni "Mal" ni "imperfections", puisque la référence de perfection serait l'Univers lui-même (et l'imaginer autre ne serait que de...l'imagination). Parler de Mal et de perfection, c'est déjà dire que l'Univers devrait être, ou a été, autre (un "autre univers" qui serait, lui, Bien et parfait). pourquoi ?<br /> (sentiment toujours présent au coeur de chaque humain, en témoignent tous les mythes sur l'Âge d'Or)<br /> En quoi, objectivement, la guerre, le cancer, Ebola,...sont-ils des "maux", un "mal", plutôt que de simples événements, ou phénomènes évolutifs et adaptatifs purement mécaniques ? en quoi une tumeur, l'injustice (?), sont-elles des "imperfections" ? en référence à quoi ?<br /> <br /> C'est là que, je trouve, les 2 parties du livre de Comte-Sponville s'articulent mal : il commence par reprendre et adopter ce qu'il reconnait de "bon" dans la philosophie chrétienne (la justice, l'amour du prochain...), avant d'en nier implicitement l'existence quand il décrit un "absolu transcendant" totalement abstrait et aveugle, à partir duquel il n'y a (il le dit lui-même) ni bien ni mal.
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E
Je trouve tout à fait intéressant le concept juif auquel vous faite référence, je m'y repencherai et je suis assez d'accord avec votre critique du livre de Comte Sponville.Ceci dit, la théologie du process dans laquelle je me retrouve assez bien ne montre certainement pas un Dieu plus faible que l'univers puisqu'il le conduit à son but à Lui (et c'est là la toute puissance). Vous trouvez que le potier est plus faible que l'argile, vous ?Le problème n'est pas d'affirmer que "Dieu n'est pas un être éternel, spirituel et transcendant (à la fois extérieur et supérieur à la nature), qui aurait consciemment et volontairement créé l'univers. Il n'est pas supposé parfait et bienheureux, omniscient et omnipotent. Ce n'est pas l'être suprême, créateur et incréé (il est cause de soi), infiniment bon et juste, dont tout dépend et qui ne dépend de rien..." mais plutôt de dire que Dieu est infiniment plus que cette définition...Mais il y a quand même une petite chose qui me chiffonne : "ça ne colle pas trop" dites vous. Mais coller avec quoi ? Avec le dogme catholique romain. Ah ben non, effectivement, rien ne vous échappe. Mais au cas où vous l'ignoreriez, je ne me sens pas du tout obligé de coller à ce dogme... En revanche ça colle assez bien avec pas mal de textes bibliques (non pas avec tous) qui montre un Dieu qui compose sans arrêt avec ce que fait l'homme... Un Dieu qui transforme le mal projeté par l'homme en bien. Un Dieu potier même...
M
Salut Eric,Je viens de relire cet article et de m'apercevoir de quelque chose qui ne m'avait pas marqué de prime abord :"Mon salut, notre salut, n’est pas d’aimer, ni même de se sentir aimé, mais d’être aimé."Qu'est-ce qui fait croire au chrétien qu'il est aimé de Dieu s'il ne ressent pas cet amour ? J'irais même plus loin : qu'est-ce que croire être aimé de Dieu si ce n'est pas ressentir un amour divin ? Est-ce une certaine "disposition comportementale" si je puis dire ?Amitiés,Miky
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E
"Qu'est ce qui fait croire au chrétien qu'il est aimé de Dieu s'il ne ressent pas cet amour ?" C'est la confiance tout simplement. Dans une vie de couple, il arrive des moments ou l'on ne reçoit plus de signes de l'amour de l'autre soit parce qu'il n'en émet plus, soit parce que que l'on n'est plus capable de les recevoir (dans le cas du chrétien et de Dieu, c'est, à mon avis la toujours la deuxième raison). Mais on continue, par confiance à croire que l'autre nous aime. Or ma foi se nourrit aussi de mon expérience passée et du témoignage des autres. Mais j'avoue ne pas comprendre le lien avec phrase que tu cites; J'essaye toutefois de l'expliquer. Le salut a deux dimensions pour moi : une dimension eschatologique : à la fin des temps je serai arraché  à toutes les forces de mort et une dimension existentielle : la foi me permet dès aujourd'hui de vivre ce salut et d'agir en conséquence. Ma citation faisait référence à la dimension eschatologique.
P
Décidemment, nous avons les mêmes lectures. Mais moi, je le fais en feuilleton, parce que :*le bouquin m'interesse vraiement,*parce que Comte-Sponville ressort de vieux débats du 19ème siècle et  que je suis allé fouiller au fond de ma bibliothèque pour comparer*parce que j'étais en train de lire Process et réalité en même temps et que cela m'a inspiré.
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