13 Février 2007
Peut-on se passer de religion ? Dieu existe-t-il ? les athées sont-ils condamnés à vivre sans spiritualité ? Voilà les questions auxquelles André Comte-Sponville propose des réponse « loin des ressentiments et des haines cristallisées par certains » affirme la quatrième de couverture. Je me demande bien à, qui elle fait allusion ;o) C'est là que le bas blesse puisque cette définition (qui doit sans doute beaucoup au catholicisme passé de Comte-Sponville) ne correspond pas au Dieu dont la Bible rend témoignage. (Avec un brin de perfidie, j'ajoute que l'athéisme d'André Comte-Sponville n'exclut pas les dieux des religions polythéistes ou les esprits des animistes). Du coup, c'est assez froidement que je reçois ses arguments contre un Dieu auquel je ne crois pas.
Ce livre m’a donc paru un bon choix pour tenir ma promesse de lire un autre penseur de l’athéisme. De plus le sous-titre me laissait rêveur Introduction à une spiritualité sans Dieu»… Intéressant pour moi qui plaide pour un Dieu sans spiritualité (promis, j’écris bientôt au moins un article sur la question)…
Eh bien, je n’ai pas été déçu, voilà un vrai traité d’athéologie développant une vraie réflexions et posant de vraies question. La preuve qu’on peut écrire un livre riche et accessible sur un sujet profond sans sombrer dans la démagogie et l’accumulation d’images d’Épinal…
La première partie est remarquable sur plusieurs points. D'une part Comte-Sponville montre bien que ce qui distingue le croyant de l'athée n'est ni la connaissance ni la morale mais l'espérance et en bon connaisseur du christianisme, il sait aussi que selon le message évangélique, l'espérance n'est pas ce qui importe le plus et que le moment présent compte plus qu'une spéculation sur l'Au-delà. Son plaidoyer pour un gai désespoir me convainc moins. J'ai quand même l'impression que l'humanisme qu'il revendique est un autre lieu de l'espoir. En revanche, je le rejoins complètement, quoique pas tout à fait dans le sens où il s'y attendrait, sur un point essentiel. Un christianisme de morale, de valeur (y compris l'amour) peut tout à fait faire l'économie de Dieu. Si c'est dans la morale, dans les valeurs chrétiennes que se joue le christianisme, alors, il peut y avoir des chrétiens athées. Si Jésus de Nazareth est un maître de sagesse, alors il n'a pas besoin d'être Dieu. Je dirais d'ailleurs la même chose d'un christianisme rituel. C'est bien pourquoi je réfute l'appellation "chrétien" ou "protestants" a ceux qui se revendiquent de valeurs, d'une morale ou de pratique) En revanche, Comte-Sponville passe sous silence ce qui est au cœur de la foi chrétienne : la grâce qui relativise même la morale (si votre cœur vous condamne...) et qui sans limiter la liberté s'oppose au nihilisme (Tout est permis mais tout n'est pas utile)
La deuxième partie est la plus pauvre : sans prétendre prouver l'inexistence de Dieu, Comte-Sponville entend démontrer qu'il est plus raisonnable de ne pas croire que de croire. C'est peut-être vrai. Pour les besoins de cette démonstration, il donne une définition de Dieu. "
Comme je le disais en introduction, la 3ème et dernière partie, une spiritualité athée, était celle qui éveillait le plus ma curiosité. Et, c’était à prévoir, la spiritualité revendiquée par le philosophe est parfaitement opposée à ma compréhension de la grâce. Ici, ce n’est pas un conflit de pensées mais bien une opposition d’expériences. Tout d’abord, la spiritualité de Comte-Sponville s’inscrit dans la droite ligne des religions orientales ou de la mystique : elle est disparition de l’Ego, fusion dans le tout. Alors que la grâce est avant tout relation, et se vit donc dans l’altérité et la subjectivité. Dans l’expérience de la grâce, JE reste bien présent, je ne suis ni sublimé ni anéanti et JE prends conscience aussi bien de mes limites que de l’importance qui m’est donnée. Pourtant, je valide tout à fait l’expérience spirituelle décrite par A. Comte-Sponville, pour avoir fait moi-même, parfois, cette expérience, je comprend ce qu’il veut dire, de quoi il parle. Mais, me semble-t-il la bonne nouvelle de la grâce va plus loin. En effet l’expérience spirituelle est éphémère, fugace. Elle ne semble être là que pour donner soif, pour montrer les barreaux de la prison qu’est l’Ego. Faire l’expérience de la grâce, c’est s’apercevoir que ce n’est pas dans cette spiritualité éphémère que se joue notre salut ou notre liberté.Croire en cette grâce, c’est se savoir aimé alors même qu’on ne ressent plus cet amour, c’est être libéré quand bien même nous ne vivions plus cette liberté. Et, parce que la grâce se vit au quotidien, elle me semble offrir une ouverture d’esprit plus grande encore que la spiritualité, fut elle athée.
Je rejoins parfaitement André Comté-Sponville, lorsqu’il écrit que ce qui sépare l’athée du croyant, c’est que l’athée aime la vérité sans se croire aimé d’elle. Le point central du christianisme est en effet de croire que la vérité nous aime même lorsque nous ne l’aimons pas. L’important et dans cet amour bien plus que dans celui que nous éprouvons ou ressentons. Mon salut, notre salut, n’est pas d’aimer, ni même de se sentir aimé, mais d’être aimé.
André Comte-Sponville : L'esprit de l'athéisme. Ed Albin Michel
Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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