11 Avril 2006
On retrouve certaines figures monstrueuses dans toutes les cultures. Et si ces "monstres" n'étaient rien d'autre que l'expression, à travers des mythes, de la part sombre de l'humain, cette part que la Bible appelle le péché ?
Le fantôme prend des formes tellement différentes selon les cultures et les récits que, dans le cadre de cette série, je suis bien obligé de le limiter à un seul de ses aspects. Dans les légendes, la littérature et le cinéma, le fantôme est souvent un esprit désincarné, incapable de rejoindre l'au-delà parce qu'attaché à un lieu (les maisons hantées), à une personne (amants ou protecteurs spectraux, à un événement (esprits vengeurs). De la même façon, les caractéristiques physiques du fantôme varient mais il y a des constantes : impalpable, souvent translucide voire invisible, le fantôme est là sans y être.
Plutôt qu'une image de l'au-delà, j'y vois une réflexion sur l'idolâtrie. En effet, comme le fantôme, l'idolâtre est obnubilé, comme lié à l'objet (la personne ou l'événement) de son adoration à tel point que le reste du monde l'affecte moins. Comme le fantôme, il vit dans un "à côté".
Il me semble que la condamnation biblique de l'idolâtrie vise moins à défendre une revendication divine d'exclusivité qu'à lutter contre cette évaporation, cette fascination qui est toujours une fuite hors du monde. La Bible au contraire nous invite toujours à rester sur terre, à vivre pleinement dans ce monde. Si bien que même certaines formes d'adoration de Dieu peuvent devenir idolâtres. La tentation la plus redoutable prend toujours l'aspect de la foi : c'est à coup de citations bibliques que le diable tente Jésus au désert.
Être un fantôme est sans doute une des plus grandes tentation du chrétien. Nous voudrions être invisibles et transparent, vivre notre foi à l'écart de tous, protégés des moqueries et des interrogation. Et Dieu nous appelle à être ces témoins, constamment. Nous voudrions que notre foi nous rende impalpable, insensible aux coups et blessures. Et Dieu nous rappelle que rien ne nous sera épargné. Nous voudrions que notre foi nous déconnecte du réel et de sa cruelle absurdité. Et Dieu nous appelle à être présent complètement dans ce monde. Nous voudrions pouvoir nous plonger dans la contemplation de la seule gloire de Dieu. Et c'est dans les plus petits, dans les moins glorieux des humains qu'Il nous appelle à le reconnaître.
Comme le vampire, comme le zombie, les mythes nous rappellent que les fantômes sont morts… Ainsi, c’est être morts que se perdre dans l’idolâtrie, c’est être mort que refuser de vivre dans le monde présent. Or, Dieu nous appelle à la vie…
Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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