J'aurais aimé aimer Qui a envie d'être aimé ?. D'abord parce que le sujet est gonflé : un film sur un avocat qui devient
catholique en suivant une catéchèse d'adulte, fallait le faire ! Ensuite parce que le parcours spirituel d'Antoine est plutôt bien vu et pas (trop) caricatural. Et puis le film n'est pas exempt
de subtilité : on ne sait pas si c'est le réalisateur qui pointe la cathophobie, ou si celle-ci existe surtout dans le regard d'un Antoine déboussolé par ce qui lui arrive, et surtout les
participants à la formation religieuse sont tellement caricaturaux que si le film n'avait pas été aussi clairement apologétique, les accusations de cathophobie auraient fusé, or quiconque sait
rire de lui-même ou de sa communauté aura toujours ma sympathie. Enfin, j'aime bien le titre.
Bref, parce que j'aime passer un bon moment au cinéma et pour toute ces qualités réelles, j'aurais aimé aimer. Mais
voilà...
D'abord, je ne sais pas si c'est la réalisation, le montage ou la mise en scène mais, malgré mon intérêt pour le sujet et
la brièveté du film, je me suis ennuyé ferme. Avant qu'on incrimine mon goût pour les super héros, je tiens à signaler que je me suis régalé devant Somewhere.
Mais surtout, c'est le contenu de cette catéchèse qui ne passe pas. Après sa première séance de formation, Antoine achète
une Bible (je me demande un peu quels point presse ont des piles de Bible de Jérusalem de mariage (blanche et dorée sur tranche) en tête de gondole. Et il commence à la lire (en commençant par le
Siracide, livre deutérocanonique, mais bon, ne soyons pas plus protestant que Calvin...). Le malheureux ! Tout le groupe d'instruction religieuse s'esclaffe et le prêtre se gausse : "on n'est pas
ici pour faire de la théologie mais pour toucher les coeurs" (s'il avait un minimum de formation théologique, il saurait que le coeur, dans la Bible, ça concerne aussi la tête). En tout cas, le
message est clair, la Bible ne reparaîtra plus de tout le film (c'est d'autant plus dommage, qu'il y a un très joli passage sur le fils prodigue et sur le côté scandaleux de la parabole). A
tel point que si le realisateur avait ete protestant, je l'aurais taxé d'anticatholicisme primaire. Je ne crois pas que ce soit le cas, aussi me contenterai-je de voir dans ce passage la
conjugaison de la mefiance du catholicisme pour la lecture personnelle de la Bible et de la mefiance de beaucoup de mouvement charismatique pour une démarche de foi d'où ne serait pas
exclue toute forme de démarche intellectuelle.
Toujours est-il que, privée (ou débarassée) de la Bible, la catéchèse qui accompagne Antoine sur le chemin de la conversion, ne repose que sur deux points
- premier point : nous avons tous envie d'être aimé et les plaisirs dont nous nous saoulons ne peuvent étancher cette soif d'amour. C'est vrai mais n'y a pas besoin de christianisme pour
s'en rendre compte : ecoutez par exemple "Foules sentimentales" de Souchon.
- deuxième point : dans une société qui cultive la force, nous devons accepter nos faiblesses. Là encore c'est vrai. Mais cest ce qu'on trouve dans la plupart des manuels d'épanouissement
personnel. L'Evangile va bien plus loin en nous plaçant justement devant notre incapacité à accepter nos faiblesses (et que cette incapacité est bien la plus grande de nos faiblesses, une
faiblesses qu'en aucun cas nous ne pouvons surmonter par nous-même), en nous montrant qu'à dire vrai, nous voulons pas être aimés de Dieu (en tout cas, pas de la manière gratuite dont il nous
aime).
Bref, Antoine ne se convertit pas suite à une rencontre avec Jésus Christ, il voit sa vie modifiée après un séminaire d'épanouissement comme il y en a tant (celui ci est catholique mais,
finalement, il aurait pu être boudhiste, musulman ou athée...)
J'ai vu le film avec un oeil de pasteur conservateur et je pinaille, mais l'important c'est que le message chrétien soit porté sur le grand écran, dirons certains C'est sans doute vrai.
Mais dans la salle de cinéma d'Evreux, nous étions 7. Les trois plus jeunes spectateurs ont quitté la salle avant la fin du film (c'est la première fois que je vois des gens quitter la salle à
Evreux)
Comme récit d'un cheminement personnel, Qui a envie d'être aimé ? est bien meilleur que "Mange, prie, aime" (mais Mange, prie, aime est un dépliant touristique, alors
je ne sais pas si c'est honnête de le comparer à un film), mais comme film chrétien, il est raté.