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Il était mort. Il a été vu vivant.

Prédication du dimanche 23 mars 2008 (dimanche de Pâques)
Matthieu XXVII, 50 à 54 et XXVIII, 1 à 15
I corinthiens XV, 1 à 11

Où naît le christianisme ? A Bethlehem ? Dans une étable, sur le mont Golgotha ? Sur une croix, non loin de Jérusalem, devant un tombeau vide ? Paul nous dit que c’est en Galilée et ailleurs, partout où les disciples, les amis, et même un opposant au rabbi de Nazareth vont faire une expérience extraordinaire…

Avec son tremblement de terre et ses morts qui sortent de la tombe pour se promener dans Jérusalem, avec son ange foudroyant, brillant de lumière qui vient rouler la pierre, Matthieu nous offre le plus spectaculaire des récits de Pâques. Sans toutefois nous monter Jésus Christ en train de ressusciter. Et ce refus de montrer la résurrection est, si j’ose dire, flagrant : dans les autres évangiles, lorsque les femmes arrivent au tombeau, tout est accompli. Mais dans Matthieu, Marie de Magdala et Marie la mère de Jacques et de Joseph voient l’ange qui descend du ciel, elles le voient rouler la pierre mais elles ne voient pas Jésus en sortir. C’est seulement en chemin que Jésus viendra à leur rencontre.
Bref, même pour le plus démonstratif, la résurrection de Jésus dépasse la perception humaine. D’ailleurs, avec tous ces prodiges dont il est aisé de nier la réalité historique : si effectivement les morts étaient sortis de leurs tombeaux pour se promener dans Jérusalem, on en aurait entendu parler par d’autres sources, Matthieu nous raconte toute cette mort et cette résurrection comme un temps en dehors du temps, un jour et une nuit en dehors de l’histoire. Il faut d’ailleurs noter que selon Matthieu, à part de nombreuses femmes, aucun disciple n’a assisté à la mort de Jésus. Et c’est encore des femmes qui sont les témoins de la résurrection. Femmes que Paul ignore totalement dans son énumération des témoins du ressuscité. Alors bien sûr on peut s’indigner de la misogynie de ce sale macho de Paul, mais ce serait oublier que cette misogynie est celle de son époque : le témoignage d’une femme n’est pas un témoignage recevable.
En faisant des femmes, les seuls témoins « croyants » de la mort et de la résurrection de Jésus, Matthieu place cette mort et cette résurrection dans un temps à part. Son récit n’a pas pour but de dire ce qui s’est réellement passé mais bien de porter un discours théologique sur l’événement. C’est pourquoi, nous ne devons pas être gênés par ces prodiges que tout le monde aurait du voir et dont personne ne parle.
D’ailleurs notre foi ne repose pas sur les ténèbres qui recouvrent la terre, sur le voile du sanctuaire qui se déchire ou sur les morts sortant de leur tombe pour aller se promener dans Jérusalem. Notre foi repose sur le moment précis ou l’évangile de Matthieu nous appelle à rejoindre l’histoire : « il vous précède en Galilée». Ce n’est pas devant la croix ou en explorant le tombeau vide que les 11 verront le ressuscité, mais en retournant en Galilée, c'est-à-dire à leur propre vie. « C’est là que vous le verrez » : et c’est bien avec cette apparition du vivant que commence le christianisme : C’est ce qu’affirme Paul : Il a été vu par Céphas, puis par les Douze. Ensuite, il a été vu par plus de cinq cents frères à la fois ; la plupart sont encore vivants et quelques–uns sont morts. Ensuite, il a été vu par Jacques, puis par tous les apôtres. En tout dernier lieu, il a aussi été vu par moi l’avorton.
Il a été vu, je préfère cette traduction littérale de ofth à « il est apparu ». En effet, dans le contexte religieux, le vocabulaire de l’apparition évoque toute sorte d’image qui ici n’ont pas lieu d’être. « Il a été vu ». Le passif est ici important : ils ne l’ont pas vu par leur propres forces, grâce à leur foi, à leur vivacité d’esprit ou que sais-je encore, Paul ne dit pas ils l’ont vu ni je l’ai vu mais « il a été vu ». Ici l’action ne vient pas de celui qui voit mais de celui qui est vu. Il faut de plus souligner que dans le grec du Nouveau Testament, le passif exprime souvent l’action de Dieu. Jésus s’est donné à voir. Certaines traductions disent : « il s’est montré ».
J’ai expliqué pourquoi je me méfiais un peu du terme « apparaître », je dois en revanche lui reconnaître un avantage : il y a dans l’apparition l’idée d’une relation personnelle : ce qui apparaît à l’un n’apparaît pas forcément à l’autre. Or, pour ceux qui connaissent bien l’évangile de Jean ou qui se souviennent de la prédication pascale de 2006, dans son récit du tombeau vide, Jean joue avec les différents synonymes de voir (reconnaître, regarder, observer) et n’utilise oraw que dans la confession finale : « j’ai vu mon Seigneur». Ainsi ce « voir » n’est pas dans le domaine de l’optique mais bien dans celui du regard… Il a été vu par Céphas, puis par les Douze. Ensuite, il a été vu par plus de cinq cents frères à la fois ; la plupart sont encore vivants et quelques–uns sont morts. Ensuite, il a été vu par Jacques, puis par tous les apôtres. En tout dernier lieu, il a aussi été vu par moi l’avorton. Cette affirmation est d’une simplicité déconcertante : pas de grand effets pyrotechniques, pas d’ange brillant de lumière, et pourtant l’incroyable se produit : celui qui était mort et enterré a été vu, vivant. Par ses amis mais aussi par son ennemi… Et pour ceux à qui il a été donné de voir, cela a tout changé dit Paul : cette grâce n’a pas été vaine.

Mais pour nous ? Pour nous qui ne l’avons pas vu ? Pour nous qui entendons cette proclamation ? Qu’en est-il ? Eh bien, nous croyons… Ce qui ne signifie pas que nous sommes certains, que nous ne nous posons aucune question. Mais ce témoignage, cette proclamation de ceux qui ont vu nous touche, elle nous trouble, nous ne la rejetons pas d’office comme billevesée… C’est déjà beaucoup.
En fait, je crois que c’est de notre situation que parle le récit de Matthieu. En effet cette proclamation nous plonge d’une certaine façon dans les ténèbres : rien n’est clair, rien n’est évident, nous n’avons rien à voir.
Mais avec la proclamation de cette mort se déchire le rideau du sanctuaire, c'est-à-dire la frontière entre l’homme et Dieu. En annonçant un messie crucifié, c'est-à-dire maudit, la proclamation chrétienne renverse l’ordre établis.
Et comme le tremblement de terre qui, selon Matthieu ouvrit les tombes et permit aux morts d’en sortir pour se promener dans les rues de Jérusalem, elle bouleverse notre plus grande certitude : celle d’une mort inéluctable et irréversible.  Nous savons qu’en ce monde, rien n’est certain, exceptés la mort et les impôts. En proclamant qu’ils l’ont vu vivant, les témoins du ressuscité remettent en question la première exception (pour la deuxième, je vous renvoie à Matthieu XVII, 24 à 27). Et cette remise en cause des certitudes les plus absolues ouvre des possibilités immenses. De la Mer Rouge fendue en deux à la pierre roulée, Pâques, c’est toujours l’ouverture d’un horizon

Frères et sœurs : il était mort et il a été vu vivant. Rendons grâce à Dieu pour cette proclamation et qu’elle retentisse pour nous comme un coup de tonnerre, ouvrant nos tombeaux, ébranlant nos désespoirs, faisant jaillir pour tous une espérance nouvelle.
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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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M
J'aime beaucoup vos précisions ; certaines : découvertes pour moi : 1) personne n'a "vu" Jésus ressusciter, dans ce sens, n'a été témoin oculaire.2) les femmes, à la Résurrection vraies SERVANTES, au sens noble et chrétien du terme, témoins non fiables à cette épque (pauvres de nous !)3) La vision est optique /ou/ provient du regard intérieur au long des siècles à venir après le Christ...Merci ! Marike
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