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En quête de la meilleure place

Prédication du dimanche 2 septembre 07
Célébration oecuménique à Vernon

Proverbes IV 1 à 9
Hébreux XII, 18 à 24
Luc XIV, 1 et 7-14

Les mariés vous le diront souvent, lors d’un mariage, le plan de table est l’une des choses les plus compliquées : il ne faut froisser personne et bien sûr, tous ou presque, veulent la même place. Ce matin, la Bible ne nous donnera pas la solution, mais nous allons voir comment à partir d’un problème bien connu, Jésus nous pousse à réfléchir sur nous même et sur nos propres attitudes…

Tout commence comme une leçon de bonnes manières : invité à un repas et voyant le comportement des convives, Jésus indique un autre mode de conduite. Mais bien sûr, aussi bien la conclusion du passage (les premiers seront les derniers) que son emplacement (entre un enseignement sur le sabbat et le festin du Royaume), montrent que Jésus ne parle pas seulement de plan de table.

D'ailleurs, il n'est pas non plus en train de donner une leçon de modestie. On trouve, certes, de telle leçon dans la Bible mais on aurait tort de comprendre cet épisode comme un commandement d'humilité. En effet, non seulement Jésus ne condamne absolument pas l'envie d'occuper la meilleure place, mais, en plus, il propose un moyen d'y parvenir.
Ainsi, Jésus ne condamne pas notre soif de reconnaissance, il sait combien nous avons besoin de nous sentir estimé, ce qui, d'ailleurs, est moins surprenant que ce que l'idéal de modestie que l'on attribue parfois au christianisme pourrait laisser croire. En effet, nous sommes avant tout des êtres de relation. Il est donc parfaitement logique que le regard des autres soit tellement important pour nous. Puisque le regard de l’autre contribue à nous définir, rien de surprenant à ce que nous le souhaitions le plus élogieux possible… D'ailleurs, celui qui prétend ne pas rechercher le regard des autres, ne pas en avoir besoin ne fait-il pas finalement preuve de bien plus d'orgueil que celui qui recherche l'estime de ceux qui l'entourent ? Quoi de plus prétentieux que l’attitude qui consiste à se dire « Je suis ce que je suis, et je me fiche de ce que les autres pensent de moi »
Bref, Jésus sait bien qu'en tant qu'individu, en tant que groupe, nous avons besoin du regard admiratif des autres sur nous. Et il ne dit rien contre ce besoin. Bien au contraire il le souligne : c’est « devant les autres » que nous recevons l’honneur…

Il n’attaque même pas notre manie de vouloir en mettre plein la vue aux autres en nous affirmant supérieurs à eux, par exemple en  prétendant être la seule véritable Église ou la seule Église à étudier la bible, où la seule Église à vivre de l'Esprit de Pentecôte, bref en jouant des coudes pour prendre la meilleure place. Simplement, il nous rappelle le danger inhérent à cette méthode · le risque de se voir rabattre son caquet et de devoir revoir publiquement ses ambitions à la baisse . Et il nous propose une nouvelle méthode « Quand tu es invité, va te mettre à la dernière place, afin qu’à son arrivée celui qui t’a invité te dise : Mon ami, avance plus haut. » A première vue, cela ressemble terriblement à une incitation à la fausse modestie : choisir la dernière place afin d’être convié à s’avancer… Pourtant, je ne pense pas que cela soit l’idée de Jésus. Pour deux raisons. Tout d’abord, si vraiment Jésus nous invite à une modestie calculée, se faire humble afin d’être élevé, cela se rapproche énormément de l’attitude même qu’il reproche aux pharisiens qui jeûnent ostensiblement afin d’être admiré… Ensuite, si on lit attentivement le texte, on s’aperçoit que Jésus ne promet pas la première place à celui qui prend la dernière. Il se contente de dire que si l’on est à la dernière place, on ne peut que monter… Il n’est donc pas question ici de récompenser une ostensible humilité par des bons points…

En fait l’enseignement de Jésus n’est pas tellement l’indication d’une place à prendre, cela va beaucoup plus loin… Dans la vision des convives qui recherchent la meilleure place, comme dans celles des Églises qui se revendiquent comme la meilleure ou dans la mienne lorsque je me présente comme supérieur à ceux qui m’entourent, il n’y a que deux groupes de personnes : moi (ou nous) et les autres. Or les autres, ils ont autant besoin de mon estime, de mon admiration que moi de la leur. Et donc, tout comme moi, ils cherchent à avoir la meilleure place, celle où je pourrais les admirer… Bref, la situation ne peut qu’aboutir à une rivalité stérile et absurde ou chacun cherche à rabaisser l’autre pour lui arracher un peu d’admiration, un peu de reconnaissance… Mais Jésus, lui, fait intervenir un nouveau personnage : le maître de maison, celui qui invite. Lui, il n’a pas besoin de chercher à occuper la meilleure place : il l’a de fait.
Et nous rappelle Jésus, c’est à lui, au maître de maison que revient de placer les invités… Aussi, la place (que ce soit la première ou la dernière) que nous nous choisissons est toujours terriblement précaire, il risque toujours de nous en faire changer. Et Jésus se contente de nous rappeler que puisque nous préférons (légitimement) monter que descendre, mieux vaut que la place dont nous aurons à changer soit la dernière… En effet, à la dernière place, on ne peut que monter…

Jésus ne se met pas du côté des chantres de l’accomplissement personnel qui sans cesse nous encouragent à occuper la première place, à nous mettre en avant sous prétexte que si nous ne le faisons pas pour nous même, personne ne le fera… Mais il ne se met pas non plus du côté de ceux qui s’auto-déprécient sans cesse, se regardant comme d’infâmes tas de limon. Il nous rappelle simplement que notre véritable place, nous ne la prenons pas par nous même et nous ne la recevons pas non plus de l’appréciation des autres. Notre véritable place, c’est celui qui nous invite à son festin, Dieu, notre Père qui nous aime, qui nous la donne. C’est Lui et lui seul qui nous dit quelle place nous tenons dans son Royaume auquel il nous convie. Jésus ne nous reproche pas de désirer le regard des autres mais il nous rappelle que nous sommes déjà au bénéfice du regard d’un autre, le regard absolument décisif et résolument bienveillant d’un Dieu qui nous invite à la joie de son Règne… En effet, puisque ici l’image est celle d’un repas de noce, il est bon de se rappeler qu’il y a bien pire qu’occuper la dernière place : c’est de ne pas être invité. Or tous ceux dont Jésus parlent ici sont d’abord au bénéfice d’une invitation…

Mon frère, ma sœur, comme moi, comme tous, tu as soif du regard des autres, soif de leur admiration. Et c’est normal, c’est ce que tu es. Mais aujourd’hui, un autre regard, plus important que tous, se pose sur toi, le regard de ton Père, le regard d’un hôte prévenant qui veille sur chacun de ses invités et qui s’assurera que nul ne repoussera loin de sa présence, un regard qui te délivre de la tentation de jouer des coudes pour prendre la meilleure place ou simplement pour assurer la tienne…

Amen

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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D
Bien heureux de votre retour sur ce blog. Bonne rentrée!
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E
Un grand merci et tous mes voeux et prières pour que cette rentrée inaugure pour vous une année plus facile que la précédente !Que e Dieu de résurrection vous aide à rebâtir ce qui doit être rebâti et à guérir ce qui doit être guéri...
K
Je suis très heureux de te relire :)Un mois d'abstinence, c'était long !
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E
Si je dis que je commençais à trouver le temps long aussi et que j'ai quand même un peu travaillé sur des articles pendant le mois d'août, je risque de passer pour un incurable "blog-addict", non ? En tout cas, merci du message !