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Perdu pour qui ?

Perdu pour qui ?

Mes chers frères et sœurs, en cette journée de rentrée pour notre paroisse, je vous demande deux choses :

d’une part, d’oublier que vous connaissez votre bible par cœur ou du moins certains passages, et surtout, je vous propose de penser aux gens, enfin je vous demande de penser aux gens que nous n’aimez pas. Pas à ceux que vous n’aimez pas parce vous êtes de sombres pécheurs aux cœurs endurcis, non, à ceux que vous n’aimez pas parce que, franchement, ils sont odieux, méchants, impossibles à aimer. A ceux qui vous ont fait du mal de manière injuste. Je vous demande de penser non seulement aux individus mais aussi aux catégories, aux groupes de personnes que vous ne pouvez pas sentir, ceux de l’autre camp politique par exemple, ou bien tel ou tel type de défauts que vous trouvez impardonnables : les menteurs, les rigoristes, les paresseux ou les accros au boulot . A vous de voir, mais pensez à ceux que vous n’aimez pas.

C’est bon, la liste est faite, les visages se sont durcis ?

Pensez à ceux que vous n’aimez pas.

Et à présent, dites-vous que Jésus festoie avec eux ! Dites-vous qu’ils connaissent maintenant cet avant-goût du Royaume ! Vous avez la mâchoire qui se serre ? Les poings qui se ferment ? Le poil qui se hérisse ? L’estomac qui se noue d’indignation ?

OUI ?

Alors, c’est bon, vous êtes en condition pour entendre l’évangile d’aujourd’hui

Dans l’évangile selon Luc au chapitre 15 les versets 1 à 32.

Cette rafale de paraboles est adressée aux pharisiens, aux scribes qui sont là pour entendre Jésus, qui sont là pour entendre son enseignement mais qui se scandalisent de voir Jésus manger avec les pécheurs, de le voir faire bon accueil aux pécheurs et c’est pourquoi, il m’a paru intéressant que, pour entrer, pour écouter ces paraboles, nous nous mettions à leurs places puisque c’est à eux que ces paraboles sont adressées.
Et si nous sortons de notre rôle habituel de disciples attentifs et émerveillés par avance de textes que nous connaissons déjà par cœur, si nous sortons de ce rôle pour nous mettre à la place des pharisiens, cela nous pousse à nous demander si Jésus était si bon pédagogue que ça. Enfin ! c’est déjà suffisamment difficile d’admettre que Dieu accueille et aime ausi ceux que nous n’aimons pas, sans qu’en plus, on nous dépeigne le soin qu’il met à les chercher, le temps et l’attention qui leurs consacre, alors que nous qui sommes des gens bien ou en tout cas moins pires, nous restons là, dans notre désert sans que personne ne prenne soin de nous. Oui, quand elles ne s’appliquent pas à nous, quand ce n’est pas nous qui sommes égarés, les paraboles de la brebis et de la drachme perdue nous agacent. Elles nous titillent, elles nous portent sur les nerfs.

Quant au fils prodigue, alors là…. ! c’est bien simple, nous n’avons même pas besoin de nous mettre à la place des pharisiens pour que cette parabole nous scandalise. Un mouton qui se perd, une pièce que l’on égare passent encore, mais un fils qui choisit de quitter la maison paternelle et qui n’y revient que poussé par la faim alors qu’il a dépensé tout ce qui lui revenait !

Qu’est-ce que ça veut dire et qu’est-ce que c’est que ce père gâteux qui passe ainsi tout à un fils qui l’a abandonné, qui l’a sans doute déçu ? Qu’est-ce que c’est que ce père qui ne profite même pas de l’occasion pour, au moins, et c’est ce qu’on lui demande, pas forcément de mettre le fils à la porte, mais au moins lui faire la leçon, au moins de lui dire : « ben tu vois… »

et en tout cas, pas de faire la fête comme si rien ne s’était passé.

Oui, nous la comprenons bien la réaction du fils ainé : « il y a tant d’années que je te sers sans jamais avoir transgressé tes ordres et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour que je me réjouisse avec mes amis. Et quand TON fils est arrivé, celui qui a mangé ton bien avec des prostituées, c’est pour lui que tu as tué le veau gras ».

Hé ! mais attendez.

Cette réaction du frère aîné, elle est dans l’histoire, ce n’est pas nous qui l’inventons, c’est Jésus qui la raconte. Et s’il nous la raconte, cela veut dire qu’il connaît notre réaction, qu’il sait ce que nous, les scribes, les pharisiens, les gens de bien, ce que nous, nous ressentons en le voyant accueillir les pécheurs, en mangeant avec eux. Et d’ailleurs, ne nous dit-il pas que le père est sorti à la rencontre de ce fils aîné qui ne voulait pas rentrer ? Ne nous dit-il pas que le père est allé à la rencontre de ce fils dans une colère, sans doute, que nous trouvons légitime ?

OUI, Jésus sait ce que nous ressentons.

Et ces paroles du père qu’il nous raconte, ne s’adressent-elles pas à nous dans notre colère : « mon enfant, toi tu es toujours avec moi et tout ce qui est à moi est à toi ».

Alors, nous ne sommes pas, nous n’avons jamais été abandonnés.
Alors, nous ne sommes pas, nous n’avons jamais été dans le désert.

Mais pourquoi mettre tout ce temps à nous le dire, pourquoi ne pas avoir commencé par là, pourquoi nous avoir blessé, titillé, agacé avec des histoires de mouton et de pièce égarée ? La brebis perdue, la pièce égarée seraient-elles de froides leçons de morale que Jésus nous assène sans se soucier de nos réactions ou pour administrer une douche froide à notre colère et notre jalousie ?

Je ne crois pas.

En fait, en lisant ces trois paraboles, parce que c’était comme ça que les textes du jour nous proposaient de les lire et c’est bien quelquefois parce que on a tendance à les morceler, à en lire une, et puis une autre et puis une autre.

En lisant ces trois paraboles, de la brebis, de la pièce et du fils, j’ai cherché pourquoi elles nous étaient données, dîtes, dans cet ordre là. Parce que ce n’est pas une séquence logique. Un ensemble comme ça de paraboles, on pourrait s’attendre et on s’attend à une augmentation de l’enjeu : une pièce, un mouton, un fils. Ca, ça serait une séquence logique, la chose perdue a de plus en plus de valeur. Mais non. Un mouton, une pièce, et pas une grosse pièce, une drachme, un fils.

Nous trouvons dans le discours du père à son fils aîné un indice : Alors que dans sa colère légitime, le fils crache avec tout le venin de la jalousie ce «Ton fils que voici», le père lui répond «Ton frère».

Ton frère…

Nous entendons toujours ces paraboles du point de vue de la femme, du berger, du père qui ont perdu quelque chose. Nous nous conduisons toujours, nous réagissons souvent comme si Dieu allait chercher quelque chose qui lui manquait et que ça nous pénalisait nous, qui ne manquons pas à Dieu, qui sommes là, qui sommes présents ce matin, qui croyons déjà, qui sommes fidèles. Mais voilà que le père rappelle au frère aîné que lui aussi à perdu quelqu'un. Et le sens de l'enchaînement des paraboles nous apparaît : une brebis sur 100, une pièce sur 10, un fils sur deux, un centième, un dixième, la moitié. Avec ces paraboles, nous sommes mis devant une perte de plus en plus grande, pas du point de vue de celui qui perd (une drachme reste moins importante qu'une brebis), mais du point de vue du groupe d'origine. Nous avons vu un manque s'agrandir, et nous constatons que ce manque, c'est le nôtre : nous sommes le troupeau auquel manque une brebis, nous sommes les 9 pièces auxquelles manque la dixième et nous sommes ce frère aîné qui a perdu un frère.

Le père de la parabole nous dit « TON frère ».

Et avec lui, ces paraboles nous obligent à nous rendre compte que ceux que nous n’aimons pas sont en fait, non pas des étrangers qu’on ajoute d’un seul coup dans l’équation, mais, des gens qui nous manquent. Je vous ai demandé tout à l’heure de penser aux gens que vous n’aimez pas. Ceux à qui nous pensons en premier, ce ne sont pas les tyrans d’ici et d’ailleurs, ce ne sont pas les assassins dont parlent les journaux. Ceux à qui nous pensons en premier, ce sont ceux qui nous font du mal à nous et ils nous font d’autant plus de mal que quelque part, nous savons bien que nous ne devrions pas être dans une relation de haine, de conflit mais dans une relation d’amour. Ce sont nos proches avec qui nous sommes brouillés, ce sont notre famille avec qui les relations sont difficiles, ce sont nos voisins qui nous dérangent, ce sont ceux avec qui les relations devraient être bonnes et avec qui elles ne le sont pas. Ce sont EUX que nous n’arrivons pas à aimer, ce sont EUX qui nous font le plus de mal.

Eh bien, l’ensemble des paraboles nous dit : « le mouton perdu, la pièce perdue, le fils prodigue, le fils perdu, le pécheur, il n’est pas perdu pour Dieu, il est perdu pour nous. » La question n’est pas une question verticale entre Dieu et les hommes, c’est une question horizontale entre nous, et ça veut dire que quand Dieu va chercher ceux qui manquent, il ne va pas chercher ceux qui LUI manquent, mais il va chercher ceux qui NOUS manquent. Et là, nous pouvons entrer dans la joie du Maître, là, nous pouvons entrer dans la fête quand ce qui nous manque est retrouvé.

Quand ce qui manque à Dieu est retrouvé, ben, tant mieux pour Dieu s’il est content, mais nous, en attendant, on est resté dans le désert, en attendant, on a servi sans rien avoir. Mais si c’est mon frère qui revient, si c’est le membre de mon troupeau qui est ramené, si c’est ce qui fait partie de mon intégrité qui est rassemblé, alors, comment pourrais-je ne pas me réjouir ? alors comment pourrais-je ne pas me retrouver entier ?

Frères et sœurs, ces paraboles nous invitent à regarder vers ceux qui nous manquent et ces paraboles nous rappellent que Dieu les recherche non pas seulement pour LUI, mais d’abord pour NOUS.

Si Dieu veut l’humanité toute entière, c’est que NOUS avons besoin de l’humanité toute entière.

Si Dieu veut un ensemble, une intégrale, c’est que la pièce manquante NOUS fait souffrir.

Alors frères et sœurs :

réjouissons-nous, car Dieu est à la recherche du pécheur.

réjouissons-nous, car Dieu s’est lancé à la recherche de ceux qui étaient perdus.

réjouissons-nous, car Dieu retrouvera ceux qui nous manquent.

AMEN

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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